Hey hey les geekos, il y a quelques jours, je vous retrouvais pour vous parler de la BD “Au bonheur des dames. Aujourd’hui, j’ai l’immense plaisir de revenir pour vous présenter Agnès Maupré, autrice et dessinatrice avec qui j’ai passé un super moment d’échange sur Zoom.

Avant de commencer, je vous propose de faire un petit tour de ses diverses publications que ce soit niveau scénario, illustration  ou encore les deux autour d’un diaporama.

 

Bonjour Agnès, peux-tu te présenter en quelques mots?

Je suis autrice de BD et plus récemment parolière et chanteuse dans un groupe. J’ai déjà fait une petite dizaine de BD avant l’adaptation d’Au Bonheur des Dames de Zola.

Comment t’es venue l’idée de réadapter Au bonheur des Dames?

J’ai toujours gardé cette idée dans un coin de ma tête parce que c’est vraiment un roman que j’ai beaucoup aimé notamment parce que j’adorais l’héroïne. Je trouve que c’est un des plus beaux personnages féminins de la littérature. Je me suis régalée, c’est vraiment un livre que j’ai adoré adapter. C’est venu de Martin Zeller,  qui était éditeur chez Casterman et qui avait très envie de faire une adaptation de toute la saga des Rougon-Macquart et, du coup, je lui ai dit “Moi si j’en fait un, ce sera Au bonheur des Dames”. Je me suis donc lancée là-dessus, j’ai écrit le scénario assez vite et avec beaucoup de plaisir.. Ensuite, pour les dessins, ça a été plus long et plus fatiguant, mais c’était très agréable aussi. 

 As-tu aimé l’expérience de réadapter ce livre? Qu’est ce ça t’a apporté?

J’ai déjà fait plusieurs réadaptations, j’ai adapté du Marcel Aymé, Alexandre Dumas et maintenant du Zola.Il y a quelque chose que j’aime beaucoup dans l’adaptation parce ce sont des livres que j’ai aimé et qui ont été des moments très forts pour moi.J’éprouve beaucoup de plaisir à les reraconter par le prisme de ce que j’ai aimé et de ce qui m’a touché en mettant en valeur ces choses là. Comme, globalement, ce sont des livres qui sont assez forts je n’ai pas le sentiment que je pourrais les desservir. C’est plutôt stabilisant. C’est quand même deux ans de travail et j’y tiens beaucoup, j’ai envie qu’il ait une belle vie et que quelques personnes le lise. En terme de ventes, mon but c’est quand même de vendre pour que les éditeurs puissent continuer à me faire confiance. Quand on écrit, on communique une chose en laquelle on croit un minimum donc c’est agréable.

Comment s’est passé le choix des illustrations et de la couverture?

Au niveau des illustrations, il fallait vraiment que ce soit assez beau parce que le roman parle d’un grand magasin qui devient de plus en plus magnifique, de plus en plus vaste et il fallait que ça se sente que le magasin a de plus en plus d’atours et de prestance. Il fallait donc dessiner plein de rambardes ouvragées, plein de verrières et qu’on sente vraiment le luxe et le raffinement dans tous les décors. Comme le magasin attire de plus en plus de monde, c’était sans arrêt des foules à dessiner et des foules bien habillées puisque c’est le temple du vêtement. C’était à la fois un vrai défi, mais un défi assez agréable.

Pour la couverture, il faut que l’auteur et l’éditeur soient plus ou moins d’accord ensemble et elle peut faire beaucoup d’aller retour. 

Tu préfères écrire le scénario ou dessiner?

Peut-être le fait d’écrire, il y a quelque chose d’assez jouissif particulièrement sur du Zola parce que la structure zolienne est très costaud donc on peut vraiment s’appuyer dessus et en même temps il y a un vrai travail de réécriture parce que Zola c’est un auteur qui ne travaille quasiment pas en dialogues et qui est remarquable par ses descriptions et en BD on ne peut pas faire de descriptions donc il faut complètement repenser différemment en se départissant de tout ce qui fait le charme de la plume de Zola mais en gardant quand même sa structure. Du coup, il y a quelque chose de vraiment plaisant qui est presque un jeu dans la réécriture.

As-tu eu des contacts avec Grégory Elbaz, le coloriste?

Oui, de très bons contacts, c’est un copain, ça se passe super bien. Avec l’éditeur, on a beaucoup réfléchi à mettre de la couleur dans au bonheur des dames ou à le laisser en noir et blanc. Je fais aussi de la couleur, mais plus de la couleur par encre ou par aquarelle et là j’avais l’impression qu’il fallait une couleur à la fois très dense et qu’il valait mieux rester sur du plat pour que ça ne soit pas trop envahissant. Çà me paraissait une meilleure idée de faire de la couleur par ordinateur et je n’avais pas envie de le faire seule. On a déjà fait une BD ensemble avec Grégory Elbaz et on a l’habitude de bosser ensemble et on s’amuse bien. J’aime bien travailler avec des amis, j’aurais eu beaucoup de mal à travailler avec un coloriste que je ne connaissais pas. C’est très intime, le rapport à la couleur. Donner des dessins et voir la couleur de quelqu’un d’autre revenir dessus, ça peut être très agressif et assez invasif si on n’est pas sur la même longueur d’onde.

Pourquoi le travail avec Casterman? Ça c’est fait comment?

Au départ, c’est parce que j’étais copine avec Martin Zeller et ça faisait longtemps qu’on essayait de faire un livre ensemble et comme d’habitude ça a foiré parce qu’il a changé de maison d’édition en cours de route donc c’est encore un coup d’épée dans l’eau. C’est pour ça qu’il est dans mes dédicaces au début du livre puisque c’est vraiment lui qui m’a lancé sur ce projet là même si on ne l’a pas terminé ensemble. C’est comme ça que je me suis retrouvée chez Casterman avec qui je n’avais jamais travaillé.

Tu as déjà travaillé avec beaucoup d’autres maisons d’édition?

Oui, j’ai travaillé longtemps avec Ankama, c’était une très belle période. J’ai vraiment beaucoup aimé mon éditeur là bas, Jonathan Garnier qui est auteur et depuis n’est plus éditeur. J’ai travaillé pour Gallimard aussi, c’est mon premier éditeur, futuropolis, rue de sèvres donc oui je tourniquote un peu. Mon prochain a sortir est chez Steinkis et celui d’après est chez Dupuis.

Est ce qu’il y a un autre classique que tu aimerais un jour adapter en BD?

Au niveau des classiques, je ne pense pas, j’ai fait le tour de ce que j’aimerais adapter par contre il y a des contemporains qui me plairaient. Je pense aux bébés de la consigne automatique de Ryû Murakami, c’est un roman japonais des années 90 et un autre roman qui s’appelle l’île des femmes de ménages de Milena Moser, c’est une suissesse que j’aimerais beaucoup aussi tripatouiller.

Quand tu commences un projet, tu sais déjà avec quelle maison d’édition tu vas travailler?

En général, je fais le développement, le début et après je cherche une maison d’édition. Pour les Batards de Zeus, un projet en cours, je suis allée chercher avec le scénario fini et quelques pages dessinées. Et ensuite, je peux commencer à travailler, sinon je ne pourrais pas vivre. La maison d’édition donne des avances sur les droits d’auteur qui permettent de vivre pendant la réalisation de la BD. Ce ne serait pas envisageable autrement vu le temps qu’on a besoin pour créer. En France, on touche l’équivalent du Smic. On gagne juste plus si on fait des tables rondes dans des salons ou des interventions dans ses classes.

Sinon, tu nous parlais de musique aussi?

Oui, à la fin du bonheur des dames, il y a une chanson de générique de fin qui a été faite avec mon groupe Esprit chien et donc dans le groupe on est principalement 2 (Philippe d’Albret qui est compositeur et moi qui suis parolière) et on monte sur scène ensemble. On a un très gros projet ensemble qui mèle étroitement dessin et musique, c’est le projet qui sera chez Dupuis qui s’appelle les Bâtards de Zeus. Du côté de chez Dupuis, il y aura donc une bande dessinée musicale avec 10 chapitres accompagnés de chansons et d’un autre côté, il y a un objet qui existe sur scène, c’est le concert dessiné où là pour le coup je suis chanteuse et c’est Singeon qui dessine. C’est un très bon ami aussi et le dessinateur avec qui j’avais fait un Tristan et Iseult. Pour le concert dessiné, on s’est produit quatre fois, mais on aimerait bien sortir de la Normandie. Cet automne, on va se retrouver en région parisienne et on va également être dans le sud ouest donc ça commence à tourner un peu et à prendre un peu forme.

esprit chien

Et comment le groupe est venu?

Ça faisait longtemps que j’avais envie d’écrire des chansons et je n’osais pas le faire et puis un jour, je me suis mise à mon ordi et j’en ai écrit une et puis ça en a entraîné une autre et encore une autre. J’ai une amie d’enfance avec qui on avait parlé plusieurs fois de faire une comédie musicale et comme son amoureux est compositeur, de là on a fondé tous les trois Esprit chien. Entre temps, mon amie a changé de voie, elle est occupée de devenir sage femme, elle n’est plus sur scène avec nous mais Philippe et moi on a continué et on récupère des membres petit à petit en cours de route.  On a récupéré Singeon sur le concert dessiné, sa compagne Stéphanie qui nous fait des clips et Lucie qui est notre metteuse en scène.  Petit à petit, on est occupés de créer une équipe et c’est assez jouissif de travailler ensemble.

Est-ce que tu as commencé par écrire ou par dessiner?

Par dessiner! C’est un peu compliqué, j’ai commencé par écrire quand j’étais gamine et à un moment j’ai eu l’impression que j’étais trop bête pour écrire et j’ai donc arrêté. C’est là que je me suis mise à dessiner et j’étais traumatisée de l’écriture et ça m’a pris longtemps pour réussir à vaincre les blocages que je pouvais avoir. J’ai fait un master de création littéraire qui m’a aidé à me relancer dans l’écriture. L’écriture de chanson, c’est quelque chose qui me porte beaucoup et qui m’apporte beaucoup de joie parce que ce sont des choses plus courtes. Se lancer dans l’écriture d’une bande dessinée, c’est beaucoup plus long.

Est ce que te lancer dans l’écriture d’un livre te tenterait?

Je ne sais pas, je n’ai vraiment pas de pulsions à ce niveau là. J’aimerais bien faire un livre pour enfant, j’en ai un en projet mais il fonctionne pas convenablement pour l’instant donc c’est un peu chaotique. J’ai envie de travailler plus en musique, d’écrire plus de chansons, de travailler avec d’autres personnes aussi. J’écris des chansons pour une chanteuse en Mayenne, Magali Grégoire, et ça aussi c’est assez cool parce que je lui envoie des textes et elle se débrouille avec, ça donne des chouettes chansons qui ne ressemblent pas à ce que j’aurais fait avec Philippe dans Esprit chien donc c’est cool de voir l’horizon s’agrandir aussi.

C’est principalement la chanson et la bande dessinée qui t’attirent donc?

En ce moment oui, mais la vie est longue, j’ai le temps de me lancer dans autre chose. En musique on a encore pas mal de chose à dire et à faire ensemble, notamment on aimerait bien faire une comédie musicale de Tristan et Yseult et ça va nous prendre un temps énorme.

agnès 6

Et avec la BD est-ce que tu as déjà fait des salons? Et que penses-tu des salons?

Des salons, j’en ai fait pas mal. J’en fait un peu moins maintenant parce que vivant au Havre c’est plus compliqué vu qu’il faut passer par Paris et ça fait des heures de déplacement. Du coup, quand c’est plus de sept heures, c’est long, mais j’en fais quand même. Je devais aller à Nancy au livre sur la place avec Au Bonheur des Dames, c’est un salon très chouette organisé par un de mes libraires chouchous. C’est bizarre, Le bonheur des dames est sorti et c’est compliqué de faire une dédicace en libraire vu la conjoncture actuelle. 

J’aime plutôt bien les salons, après le problème c’est qu’on y passe le week-end, on est toujours un peu dans une course effrénée parce qu’il faut travailler vite pour qu’on arrive à gagner notre croûte un minimum. Après un salon, le lundi matin, on a un peu des valises pour se remettre au travail, c’est quand même usant et fatigant mais c’est un très beau moment de rencontre avec les lecteurs mais aussi les collègues. J’ai une grosse préférence pour les salons où il y a des tables rondes, des concerts dessinés et  des interventions quelconques car ça donne un dynamisme et on ne reste pas assis derrière son stand toute la journée à juste signer des livres. J’y ai rencontré un certain nombre de copains parce que finalement quand on passe deux jours assis à côté d’un dessinateur, en général, on papote, on échange et ça crée des liens. J’ai découvert pas mal de livres et d’auteurs en salon et ça c’est vraiment une chose que j’aime bien.

Est-ce que tu as un petit mot de la fin à ajouter pour les lecteurs?

Je peux dire un petit mot sur le prochain livre qui va sortir en août. C’est un livre où je suis juste dessinatrice et pour lequel je vais travailler avec Isabelle Bauthian au scénario. Cette BD parlera de James Barry qui est une femme médecin travestie dans l’armée anglaise au  XIX ème siècle. Elle ne pouvait pas exercer son métier de médecin en femme donc elle l’a exercé en homme.

Et le livre sur lequel je me lance après, c’est lié au projet de concert dessiné, c’est les Batards de Zeus, ça parle de mythologie grecque et c’est quelque chose que j’ai envie de faire depuis très très longtemps. Je n’arrivais pas à sortir le scénario et la ville du Havre m’a envoyé dans les cyclades en résidence et du coup, j’ai pu écrire l’histoire en Grèce, c’était hyper bien. C’est un cadeau de la ville du Havre qui a un programme d’aide aux artistes, ça s’appelle la banque des Havrais.

Je pense qu’on a fini le tour, merci à toi Agnès pour cet interview.

Merci à toi également.

 

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