Pendant des décennies, le Japon a régné sans partage sur le RPG à forte valeur de production. Mais l’émergence de titres comme Clair Obscur: Expedition 33 vient bousculer un ordre établi, forçant des géants comme Square Enix, Bandai Namco ou Sega à réévaluer leur modèle industriel.
1. Le choc des structures de coûts
Le problème majeur de Square Enix ces dernières années réside dans son entre-deux inconfortable. Là où Sandfall Interactive a optimisé chaque euro pour un rendu « AAA-Light », Square Enix a souvent multiplié les projets « Middling » (comme DioField Chronicle, Valkyrie Elysium ou Harvestella) avec des résultats techniques datés et des ventes assez décevantes.
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L’Occident (Le modèle Sandfall) : On mise tout sur un seul titre avec une finition visuelle « state-of-the-art » (UE5) pour créer un effet de choc marketing.
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Le Japon (Le modèle Square Enix pré-2024) : Une dispersion des ressources sur une multitude de titres AA à la réalisation inégale, espérant qu’un lot sorte du lot.
2. Le virage stratégique : « Quality over Quantity »
Face au succès de la méthode occidentale, Square Enix a annoncé en mai 2024 un pivot radical dans son plan moyen terme intitulé « Square Enix Reboots ». L’objectif ? Arrêter la multiplication des petits AA fragiles pour se concentrer sur des titres capables de rivaliser avec la nouvelle norme.
Citation interne (Takashi Kiryu, CEO de Square Enix) : « Nous avons manqué de rigueur dans le développement de nos titres AA. À l’avenir, nous devons nous assurer que chaque jeu possède un potentiel de succès mondial et une qualité qui ne souffre d’aucune comparaison. »
La réponse japonaise : L’hybride « 2D-HD » vs Phototéalisme
Pour contrer l’ascension des studios comme Sandfall qui chassent sur les terres du réalisme, le Japon a activé deux leviers :
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Le refuge dans l’esthétique (2D-HD) : Des titres comme Octopath Traveler ou Triangle Strategy créent une niche que l’Occident ne cherche pas à copier. C’est un AA « intelligent » qui mise sur la nostalgie plutôt que sur la puissance de calcul.
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La montée en gamme technique : Des licences comme Tales of (Bandai Namco) avec Tales of Arise ont prouvé que le Japon pouvait adopter les codes visuels modernes (shaders complexes, animations faciales) pour rester dans la course.
Atlus : L’exception culturelle qui confirme la règle
Le seul éditeur japonais qui semble immunisé contre cette pression est Atlus (Persona, Metaphor: ReFantazio). Leur stratégie est unique : un budget de AA, mais une Direction Artistique (DA) si forte qu’elle rend la technique secondaire.
Clair Obscur tente de battre le AAA sur son terrain (le réalisme), alors qu’Atlus déplace le terrain de jeu là où le réalisme n’a plus d’importance.
Conclusion : Vers une « standardisation » mondiale ?
Le succès de Clair Obscur force les éditeurs japonais à sortir de leur zone de confort. On observe une « occidentalisation » des pipelines de production japonais (recrutement de talents internationaux, abandon des moteurs internes obsolètes).
Pour un géant japonais, racheter un studio comme Sandfall serait le raccourci idéal pour acquérir cette « maîtrise technique occidentale » tout en y injectant le savoir-faire narratif nippon.

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