Dans le paysage du manga de romance et du Boys’ Love, certains titres crient leurs émotions, tandis que d’autres les murmurent avec une élégance rare. La Mélodie de l’aube, signé Poteto Ueno et publié aux Editions Akata (Collection Large), appartient définitivement à cette seconde catégorie. Une œuvre contemplative sur le temps qui passe, l’acceptation de soi et la persistance des sentiments.

Makoto a toujours vécu pour le chant. Mais l’adolescence est cruelle : lorsque sa voix mue, brisant ses aigus cristallins, il devient la cible des moqueries. Blessé, il se réfugie dans le silence. C’est pourtant au bord de la mer, loin des regards, qu’il ose fredonner à nouveau. Ce chant solitaire attire Nobuaki, un garçon du même âge, captivé par cette mélodie.

Cette rencontre fugace marque le début d’un chassé-croisé amoureux. Du lycée à l’âge adulte, les deux jeunes hommes vont se perdre, se retrouver, et tenter de s’apprivoiser. Nobuaki, spectateur silencieux et fasciné, pourra-t-il aider Makoto à aimer de nouveau sa propre voix ?

La grande force de La Mélodie de l’aube réside dans sa gestion de la temporalité. Poteto Ueno fait le choix audacieux de ne pas figer son récit dans une seule époque. Nous suivons les protagonistes à travers des ellipses temporelles maîtrisées. Ce procédé narratif donne une « patine » à l’histoire : on ne suit pas une amourette de vacances, mais un lien profond qui résiste à l’érosion des années. Cette construction permet de voir les personnages mûrir, physiquement et psychologiquement, transformant leurs incertitudes d’adolescents en problématiques d’adultes.

Si la musique est centrale, elle est traitée de manière très intériorisée. Ici, pas de concerts survoltés à la Beck ou Nana. Le chant de Makoto est le baromètre de son estime de soi. L’autrice utilise le regard de Nobuaki pour « valider » cette voix. C’est un schéma touchant : Nobuaki ne parle pas beaucoup, mais son écoute attentive est le plus beau des compliments. Le manga aborde ainsi avec finesse le traumatisme lié au changement physique (la mue) et la peur du jugement, des thèmes universels qui résonneront bien au-delà du public BL habituel.

Graphiquement, Poteto Ueno nous offre une partition sans fausse note. Le trait est rond, épuré, presque cotonneux. Les décors de bord de mer ne sont pas anecdotiques ; ils installent une atmosphère saline et mélancolique qui imprègne chaque page. L’usage des trames est léger, privilégiant la clarté et les expressions des visages. Les regards, souvent fuyants ou intenses, remplacent avantageusement les longs dialogues. C’est un manga qui prend le temps de « respirer ».

La Mélodie de l’aube est ce qu’on appelle un titre « doudou » ou feel-good. Il ne cherche pas à révolutionner le genre par des rebondissements spectaculaires, mais à apaiser le lecteur. C’est une lecture qui fait du bien, une parenthèse de douceur dans un catalogue Akata toujours soucieux de proposer des œuvres à la sensibilité humaine exacerbée.

On referme le livre avec l’impression d’avoir écouté une ballade nostalgique face à l’océan. C’est beau, c’est pudique, et c’est parfaitement exécuté.

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