Si la franchise Final Fantasy est la fille populaire du lycée que tout le monde adore, SaGa est l’élève étrange du fond de la classe, celle qui dessine des cartes complexes et refuse de suivre les règles. Avec Romancing SaGa -Minstrel Song- Remastered, Square Enix ne se contente pas de dépoussiérer un remake PS2 d’un jeu Super Famicom ; l’éditeur offre une seconde chance à l’un des JRPG les plus obtus, mais aussi les plus gratifiants de l’histoire, désormais sublimé par le confort de la Nintendo Switch.

Une direction artistique qui divise, mais qui ose
Dès les premières minutes sur l’écran de la Switch (particulièrement sur le modèle OLED), le style visuel saute aux yeux. On retrouve cette esthétique « chibi-réaliste » très particulière de l’ère PS2, où les personnages ressemblent à des marionnettes de bois finement sculptées. C’est une direction artistique clivante : on adore ou on déteste.
Cependant, le travail de remasterisation est propre. Les textures ont été lissées, l’interface est cristalline (fini les menus baveux de 2005) et les décors précalculés, bien que trahissant leur âge, possèdent un charme pictural indéniable. Sur Switch, le jeu tourne globalement bien. On note quelques légers accrocs lors des transitions de zones chargées ou d’effets de sorts massifs, mais le tour par tour rend ces petits soucis techniques négligeables. En mode portable, le jeu trouve d’ailleurs son écrin idéal : c’est un titre qui se prête merveilleusement aux courtes sessions de « farm » ou d’exploration.
Le vertige de la liberté absolue
Le cœur du jeu repose sur le « Free Scenario System ». Oubliez les couloirs narratifs d’un Final Fantasy X. Ici, vous choisissez l’un des 8 protagonistes (du noble chevalier Albert à la pirate Aisha en passant par le barde vagabond), et le jeu vous lâche dans le monde de Mardias avec un simple « Débrouille-toi ».
Cette liberté est à double tranchant. Pour le joueur moderne habitué aux marqueurs de quête GPS, Minstrel Song peut être terrifiant. Vous allez vous perdre. Vous allez rater des quêtes parce que vous avez trop traîné (le temps avance en fonction de votre nombre de combats). Mais c’est précisément là que réside le génie du titre. Chaque partie est une aventure unique, organique, que vous écrivez vous-même. Le sentiment de découverte est authentique, loin des parcs d’attractions scriptés actuels.
Un système de combat d’une profondeur abyssale
Si vous êtes là pour l’histoire, vous resterez pour le système de combat. C’est du tour par tour classique en apparence, mais dopé aux stéroïdes tactiques.
- Glimmer (Lueur) : Vous n’achetez pas vos compétences, vous les apprenez en plein combat lorsqu’une ampoule s’allume au-dessus de la tête du perso. Cette mécanique procure une dopamine incroyable, transformant chaque combat de boss désespéré en potentiel retournement de situation.
- Vortex et Combos : Lier les attaques de vos personnages pour créer des combos dévastateurs est essentiel pour survivre.
- Battle Rank : Attention, plus vous combattez, plus les monstres deviennent forts. Le jeu punit le « grinding » inintelligent. C’est une philosophie exigeante qui force à la stratégie plutôt qu’au leveling bête et méchant.
Un Remaster « Quality of Life »
Square Enix a enfin compris ce que « Remaster » signifie. Ce n’est pas juste un filtre HD. Les ajouts de confort (QoL) changent radicalement l’expérience :
- Mode Vitesse (x2, x3) : Indispensable. Les déplacements et les combats sur PS2 étaient lents ; ici, ça file à toute allure.
- Interface repensée : La gestion de l’équipement et la visibilité des stats sont bien meilleures.
- Nouveau contenu : De nouveaux personnages jouables (comme Aldora ou Schiele) et des boss renforcés pour le New Game+ offrent une replay-value colossale à un jeu déjà dense.
Une bande-son divine
Impossible de conclure sans parler de Kenji Ito. La bande-son est, n’ayons pas peur des mots, l’une des meilleures du genre JRPG. Le thème de combat « Passionated Rhythm » avec ses influences flamenco, ou le mélancolique « Minuet », tout est magistral. La qualité audio sur Switch est impeccable.
Romancing SaGa -Minstrel Song- Remastered est une lettre d’amour au JRPG hardcore. Sur Nintendo Switch, il trouve sa forme ultime. C’est un titre exigeant, parfois cruel, qui demande au joueur de s’investir pour comprendre ses mécaniques complexes. Si vous acceptez de ne pas être tenu par la main et que le style visuel ne vous rebute pas, vous tenez là l’une des aventures les plus riches et satisfaisantes du catalogue de la console. Un chef-d’œuvre incompris réhabilité avec brio.
J’aime
- La liberté totale : Un vrai sentiment d’aventure non scriptée, rare de nos jours.
- Le système de « Glimmer » : Apprendre des techniques en plein combat reste une mécanique jouissive.
- La Bande-Son : Kenji Ito au sommet de son art, avec des guitares espagnoles endiablées.
- Les ajouts de confort : Le mode vitesse x2/x3 et la sauvegarde rapide rendent le jeu très agréable, surtout en portable.
- Durée de vie colossale : 8 scénarios, un New Game+ riche et de nouveaux personnages à recruter.
- Techniquement propre sur Switch : Temps de chargements corrects et rendu OLED flatteur pour les couleurs.
Je n’aime pas
- L’opacité des mécaniques : Le jeu ne vous explique rien (Event Rank, forge, quêtes manquables). Wiki ouvert sur le téléphone quasi obligatoire.
- Direction artistique « Marionnettes » : Les visages et proportions des personnages peuvent rebuter certains joueurs.
- Level Design PS2 : Les donjons sont souvent labyrinthiques et visuellement répétitifs.
- Difficulté brutale : Le jeu peut vous mettre dans une impasse si vous combattez trop sans améliorer votre équipement.
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