L’alliance entre Ian Bell, le père spirituel de GTR2 et Project CARS, et GIANTS Software, les maîtres de la simulation agricole, pouvait sembler improbable sur le papier. Pourtant, une fois la manette DualSense en main, Project Motor Racing impose immédiatement son identité singulière. Ce n’est pas une simple suite spirituelle ; c’est une tentative brute de ramener la simulation « hardcore » sur console, en profitant de l’infrastructure de modding unique de GIANTS.

Visuellement, le choix du GIANTS Engine surprend. Le rendu est moins clinquant que les effets de post-traitement saturés d’un Gran Turismo 7, offrant une image plus clinique, presque austère, mais d’une netteté chirurgicale. Cette sobriété sert un but précis : garantir un framerate imperturbable, essentiel pour une physique qui tourne à une fréquence de 720 Hz. Sur PS5, la fluidité est totale, même avec une grille complète de GT3 sous une pluie battante, ce qui prouve que le moteur a été parfaitement optimisé pour la course.

Le cœur de l’expérience réside dans le moteur physique Hadron, et c’est là que le jeu creuse l’écart avec la concurrence, particulièrement sur la gestion des modes de pilotage. J’ai passé tout mon temps de jeu à la manette, et le fossé entre le mode Authentique et le mode Classique (assisté) est gigantesque :
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Mode Authentique : C’est la promesse brute du moteur Hadron. À la manette, c’est une expérience intimidante mais incroyablement communicative. Contrairement à beaucoup de simulations qui deviennent injouables au pad sans aides, ici, le travail sur les haptiques de la DualSense sauve la mise. On sent physiquement la perte d’adhérence dans les gâchettes (L2/R2) bien avant de la voir à l’écran. Le freinage demande une précision millimétrique : écraser la gâchette bloque instantanément les roues. C’est du pilotage sur le fil du rasoir, nerveux, où le moindre coup de stick brusque se paie cash par un tête-à-queue. C’est gratifiant, mais cela demande une finesse de doigt extrême.
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Mode Classique : Ce mode ne transforme pas le jeu en Need for Speed, mais il agit comme un filtre « sécuritaire ». Il lisse les inputs de la direction pour éviter les braquages trop violents typiques du stick analogique et active un contrôle de traction permissif. Si cela rend le jeu plus accessible, on perd malheureusement une grande partie de la richesse d’information du train avant. On a l’impression de conduire une voiture un peu plus « lourde », plus pataude, qui refuse de glisser. Pour vraiment profiter du titre, il faut oser désactiver ces filtres et faire confiance aux vibrations de la manette, qui sont ici un véritable outil de télémétrie sensorielle.

L’approche de la carrière est tout aussi radicale et rafraîchissante. Oubliez les collections de voitures « Pokémon » et les récompenses scintillantes toutes les cinq minutes. Project Motor Racing propose une structure « Survie ». Vous commencez avec un budget serré, et chaque accident, chaque pièce mécanique froissée impacte directement vos finances. Cela change fondamentalement la manière de piloter : on ne tente plus des dépassements kamikazes au premier virage quand on sait que la réparation de l’aileron avant coûtera la moitié de la prime de course. Cette tension financière ajoute une couche de réalisme psychologique rarement vue. De plus, le jeu intègre le système « True2Track » pour une météo et une évolution de piste dynamiques bluffantes. La trajectoire s’assèche, se gomme ou se détrempe de manière organique, forçant le joueur à adapter ses points de freinage à chaque tour.
En matière de contenu, le jeu propose au lancement environ 27 circuits laser-scannés, un chiffre qui peut paraître modeste face à la concurrence, mais qui mise sur une fidélité absolue. Graphiquement, ces tracés bénéficient d’un traitement très particulier : on est loin de la « carte postale » saturée et idéalisée. Le rendu des circuits est brut, presque terne, mais paradoxalement plus proche de la réalité télévisuelle. Le grain du bitume, les imperfections de l’asphalte et la végétation environnante (point fort du moteur GIANTS) créent une ambiance visuelle crédible et « sale », loin des pistes aseptisées habituelles. C’est un choix artistique qui favorise l’immersion : on ne regarde pas le paysage, on scrute la piste qui change d’aspect visuel en temps réel selon le passage des gommes et la météo.

L’immersion sonore est traitée avec la même rigueur technique et sert véritablement d’outil de pilotage, surtout à la manette où l’information auditive compense l’absence de volant. Les sons moteurs sont viscéraux ; on entend distinctement le sifflement strident de la pignonnerie droite des boîtes de vitesses séquentielles et les claquements métalliques du châssis. Mais le plus impressionnant reste le travail sur les pneumatiques. Le jeu offre une gamme sonore nuancée pour les gommes : on distingue parfaitement le « scrub » (frottement) d’un pneu qui commence à glisser, du hurlement d’un blocage de roue complet. Côté ambiance, c’est stressant à souhait : le bruit du vent à haute vitesse est assourdissant, et le cliquetis des gravillons qui frappent le fond plat lorsqu’on mord sur un vibreur ajoute une texture sonore physique percutante.
Enfin, le coup de génie de ce partenariat avec GIANTS Software réside dans l’ouverture aux mods sur console. L’interface intègre un portail de contenu généré par les utilisateurs (UGC) directement dans le menu principal de la PS5. Cela promet une durée de vie potentiellement infinie, comblant les manques du roster initial par des créations de la communauté. C’est une fonctionnalité historique pour une simulation de ce calibre sur console de salon. Project Motor Racing n’est peut-être pas le jeu le plus « sexy » visuellement, mais c’est incontestablement l’un des plus purs et des plus honnêtes dans sa proposition de pilotage.

Project Motor Racing est une anomalie dans le paysage console actuel, et c’est tant mieux. En refusant les compromis du « Sim-Arcade » grand public, Ian Bell et GIANTS livrent une plateforme brute de décoffrage, techniquement inattaquable sur le plan physique, mais austère dans sa présentation. C’est un outil de pilotage plus qu’un jeu vidéo, une expérience qui demande de l’investissement mais qui récompense le joueur avec des sensations de conduite inégalées à la manette DualSense. Si vous acceptez de souffrir pour claquer un chrono et que l’absence de « paillettes » ne vous effraie pas, c’est tout simplement la nouvelle référence hardcore sur PS5, surtout avec la promesse des mods pour l’avenir.
J’aime
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Le ressenti DualSense exceptionnel en mode Authentique : les gâchettes communiquent le blocage de roue et la perte de motricité.
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La distinction claire entre un mode « Authentique » nerveux et un mode « Classique » plus filtré mais accessible.
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Le modèle économique de la carrière « Survie » qui oblige à piloter proprement sous peine de faillite.
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Le support officiel des MODS sur PS5 via le portail GIANTS, une révolution pour le genre sur console.
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La fluidité technique irréprochable et la netteté de l’image, privilégiant la performance au « bling-bling ».
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Le son des moteurs, particulièrement les retours de flamme et les bruits de transmission, très immersifs.
J’aime pas
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L’intelligence artificielle parfois inégale, capable de manœuvres très humaines mais aussi d’erreurs frustrantes.
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L’interface austère, héritée du monde PC/Simulation, qui manque un peu de chaleur et d’ergonomie à la manette.
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Le mode « Classique » qui a tendance à trop aseptiser la direction, rendant les voitures un peu lourdes.
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Une difficulté d’accès brutale pour les néophytes, le jeu manquant de tutoriels pédagogiques pour expliquer la télémétrie.

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