Retourner sur le Beira D dix ans après les événements du jeu original, c’est un peu comme revenir sur les lieux d’un cauchemar en se disant “tiens, peut-être que cette fois ça ira mieux”. Spoiler : ça ne va pas mieux. “Siren’s Rest” m’a accueilli avec cette ambiance humide et poisseuse que j’avais presque réussi à oublier, ce genre de décor industriel où chaque tôle rouillée semble gémir “ne viens pas ici”, et où la lumière hésite toujours à t’éclairer ou à t’abandonner dans un couloir qui sent le métal froid et les souvenirs traumatiques.

On y incarne Mhairi, la fille de l’un des survivants de la plate-forme d’origine, venue à bord d’un autre rafiot rouillé pour comprendre ce qui est arrivé à son père. Autant dire qu’elle ne tombe pas sur une équipe de bienvenue avec petits fours et musique lounge. Non, ici, on l’accueille avec du silence pesant, des apparitions à la périphérie du regard et une ambiance sonore qui ferait passer une cafetière en panne pour une menace crédible. Le jeu choisit de ne jamais nous offrir de confort : pas d’arme, pas de sauvegarde manuelle, et surtout pas de raccourci vers la sortie. Tu avances, tu doutes, tu couines un peu. Moi, beaucoup.

Le gameplay reste dans la veine de l’original, en version miniaturisée et plus contemplative. On crapahute, on escalade, on fuit dans des couloirs qui suintent l’angoisse et on prend des photos comme si on était dans un album de vacances… post-apocalyptiques. J’ai bien aimé cette idée du cliché comme témoin de l’horreur, même si mon instinct de joueur m’a parfois poussé à hurler intérieurement “non mais pourquoi elle cadre ça, fuis, bordel !”. Le jeu joue constamment avec tes nerfs, plus psychologique que réellement horrifique, mais l’effet est là : j’ai sursauté plusieurs fois, non pas parce qu’un monstre me sautait dessus, mais parce que la rouille s’effondrait sous mes pieds. Frisson garanti.

Graphiquement, c’est toujours aussi maîtrisé. L’Unreal Engine bosse bien, les ombres sont subtiles, les reflets dans l’eau semblent vouloir t’aspirer vers quelque chose de beaucoup trop organique, et les petits détails – comme les vêtements détrempés de Mhairi ou le grain des murs – participent au réalisme poisseux de l’ensemble. En revanche, la créature, l’entité, la… chose, m’a un peu laissé sur ma faim. Elle arrive tard, s’incruste sans grande cérémonie, puis repart avec la discrétion d’un stagiaire qui a renversé son café. J’en attendais plus, ou du moins mieux intégré à la montée en tension.

La durée de vie de ce DLC est assez honnête si on prend ça comme un épisode supplémentaire d’une mini-série horrifique. Comptez entre 1h30 et 3h selon votre sens de l’exploration, votre envie de tout photographier ou votre capacité à ne pas fuir en courant vers le menu principal. Perso, j’ai pris mon temps. J’ai observé, écouté, flippé, recommencé des passages juste pour entendre à nouveau certains sons, certains cris, certaines respirations que je n’arrive toujours pas à me sortir de la tête. Ce n’est pas tant un jeu qu’un état passager, une ambiance oppressante dont tu ressors un peu vidé, un peu fasciné.

En termes de narration, le jeu fait dans le sobre. Peu de dialogues, mais chaque enregistrement, chaque bout de note retrouvé, chaque murmure dans les interphones rouillés donne à Mhairi une dimension touchante. Elle n’est pas là pour sauver le monde, elle cherche son père, un point c’est tout. Et cette simplicité dans les motivations rend son voyage d’autant plus poignant. Je me suis surpris à m’attacher à elle en très peu de temps, à ressentir cette solitude pesante qui t’enferme quand tu n’as plus que ta mémoire et des couloirs trempés comme compagnie.

Alors oui, ce n’est pas le DLC du siècle. C’est court, c’est sans surprise majeure, et ceux qui cherchent du gameplay pur vont s’endormir entre deux plaques d’acier. Mais si tu veux replonger dans une horreur tranquille, une angoisse sourde, ce petit supplément d’âme façon “et si l’eau avait une mémoire”, Siren’s Rest vaut le détour. Il ne t’explose pas à la figure, il s’infiltre, il goutte, il rouille tes nerfs lentement. Et c’est précisément ce que j’en attendais.

À la fin, quand j’ai quitté la plateforme pour la deuxième fois de ma vie de joueur, j’ai eu ce sentiment étrange d’avoir bouclé une boucle, comme un cauchemar qui revient mais que tu peux enfin regarder en face. J’ai refermé le jeu en soupirant, avec un petit “cette fois c’est bon, j’y retourne plus… sauf si, bien sûr, ils font une suite”.

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