Avez-vous déjà versé quelques larmes en terminant un film ou un jeu particulièrement bouleversant ? Pour ma part, ces moments sont rares… mais récemment, Until Then, du studio Polychroma Games, m’a touché d’une façon inattendue, douce et douloureuse à la fois.

Ce roman visuel interactif en 2D nous plonge dans le quotidien de Mark, un adolescent dont la vie bascule peu à peu après une rencontre énigmatique. Sous ses airs de récit ordinaire, le jeu distille une mélancolie profonde, où chaque détail semble murmurer quelque chose de plus grand, de plus triste.

Les développeurs décrivent Until Then comme un jeu de mystère. On y suit Mark, un adolescent dont la vie bascule lorsqu’il se retrouve plongé dans une série d’événements étranges : disparitions inexpliquées, souvenirs qui se brouillent, réalités qui vacillent. Il doit faire face à une vérité enfouie, insaisissable.

Mais après avoir terminé le jeu, je dois avouer que cette description m’a laissé un peu perplexe. Il y a bien une part de mystère, certes, mais elle reste en filigrane. Une ombre discrète qui plane sur l’histoire, sans jamais vraiment s’imposer. En réalité, cette intrigue énigmatique semble presque secondaire, éclipsée par quelque chose de plus profond, de plus humain.

Car Until Then n’est pas tant une enquête qu’un voyage émotionnel. Ce qu’il cherche à explorer, c’est la manière dont chacun affronte les blessures invisibles — la perte, la solitude, les silences pesants, les souvenirs qui font mal. Et il le fait avec une douceur désarmante, sans jamais tomber dans le pathos.

C’est cette exploration des émotions qui fait toute la force du jeu. Chaque personnage incarne une nuance différente, une manière singulière de faire face à ce qui fait souffrir. Le récit prend le temps de les dévoiler, de les faire exister pleinement, si bien que lorsqu’un rebondissement surgit, on ne peut s’empêcher de penser : « Je ne l’avais pas vu venir… mais ça a toujours été là. »

Ce choix narratif a toutefois un prix : le rythme est lent, parfois trop. On s’attend à plonger rapidement dans une intrigue captivante, mais le jeu met du temps à démarrer — ce n’est qu’à partir du troisième chapitre que les fils commencent vraiment à se nouer. En attendant, on vit aux côtés de Mark et de ses amis, au fil de moments simples, presque banals, mais chargés d’émotions. Ce n’est qu’en regardant en arrière qu’on comprend à quel point ces instants comptaient.

Pris comme un jeu de mystère, Until Then pourrait sembler maladroit. Mais en tant que récit initiatique, centré sur la manière dont on affronte ses propres démons — et ceux des autres —, c’est une œuvre bouleversante et profondément juste.

Côté personnages, le jeu en introduit beaucoup, mais il se concentre vraiment sur quatre d’entre eux. Et quels personnages. J’ai été particulièrement touché par Cathy, la meilleure amie de Mark — son histoire m’a brisé le cœur. Louise et Nicole, plus énigmatiques, m’ont déconcerté au départ. Mais leurs échanges avec Mark, remplis de non-dits et de tensions, sont parmi les plus marquants du jeu. J’ai aimé la façon dont elles le poussent à sortir de sa coquille.

Mark, lui, est un protagoniste remarquable. Sa transformation m’a surpris, ému, parfois même secoué. Il traverse des moments difficiles, mais il ne cesse jamais d’essayer. Et ça, ça donne envie de le soutenir, jusqu’au bout.

D’autres personnages comme Sofia ou Ridel apparaissent plus brièvement, mais ils laissent une trace. Même en quelques scènes, ils enrichissent le tableau avec délicatesse.

Until Then n’est peut-être pas ce qu’il prétend être au premier abord. Ce n’est pas une histoire de mystère au sens classique du terme. C’est un jeu qui parle en silence, qui prend son temps pour murmurer ses vérités. Et si vous vous laissez porter, vous y trouverez peut-être un petit morceau de vous-même.

Until Then adopte un style en 2D pixelisé en défilement horizontal, un choix visuel que j’apprécie généralement pour ce type de jeu narratif. Cependant, dans ce cas précis, le résultat m’a semblé inégal. Il y a de très beaux moments, où les décors regorgent de détails, baignés d’une ambiance délicate et parfaitement maîtrisée. Mais à d’autres instants, surtout dans les cinématiques ou certains gros plans, le rendu devient flou, presque brouillon. Les sprites manquent parfois de netteté, ce qui atténue l’impact visuel, notamment lorsque le jeu tente de transmettre des émotions subtiles.

Ce contraste est particulièrement visible lors des gros plans sur les visages. Là où l’on pourrait attendre une intensité émotionnelle accrue, les modèles apparaissent un peu rigides, manquant d’expressivité. Je ne saurais dire si cela vient d’un manque de cohérence artistique, de contraintes techniques ou simplement de choix esthétiques, mais cela donne une impression d’ensemble un peu déséquilibrée.

L’ambiance sonore suit une logique similaire. D’un côté, la bande-son au piano est superbe — minimaliste, mais parfaitement en phase avec l’émotion du récit. Elle accompagne les moments clés avec une grande justesse et ajoute une touche de tendresse et de mélancolie au déroulement. En revanche, les bruitages environnants sont parfois maladroits, voire un peu distrayants. Ils rompent par moments l’immersion, ce qui est dommage pour un jeu aussi centré sur l’atmosphère.

Un autre point qui m’a traversé l’esprit : certaines scènes auraient probablement gagné en impact avec un doublage vocal. Il y a des moments de tension ou de vulnérabilité qui auraient pu résonner plus fort avec une interprétation vocale, même partielle. Cela dit, je suis conscient que le doublage représente un coût conséquent pour une petite production indépendante, donc je vois cela davantage comme une réflexion que comme un reproche.

Au final, l’aspect technique d’Until Then n’est pas à la hauteur de son ambition narrative. Il ne gâche pas l’expérience, mais il aurait pu la sublimer. Cela dit, pour finir sur une note positive, la localisation française est globalement réussie. On trouve bien quelques fautes d’orthographe ou tournures étranges, mais rien de vraiment gênant. Cela reste fluide et naturel dans l’ensemble — un effort appréciable qu’on ne peut que saluer.

Comme je l’ai mentionné au début de cette critique, Until Then a réussi à me faire pleurer. Et pas à cause d’une scène particulièrement tragique, mais parce qu’il dégage quelque chose de profondément humain. Il y a une sincérité rare dans la façon dont il aborde des problématiques bien réelles — la perte, la solitude, les blessures silencieuses — sans jamais tomber dans le sensationnalisme. Le jeu ne cherche pas à choquer, mais à faire ressentir. Et il y parvient avec une justesse qui touche droit au cœur.

C’est un jeu qui respire l’empathie. Il n’a pas peur d’aborder des sujets difficiles, mais il le fait toujours avec une bienveillance palpable. Cette capacité à rester profondément ancré dans le réel, tout en offrant une expérience poétique, est ce qui le rend si précieux à mes yeux. C’est pour cela que je le recommande, sincèrement : parce qu’il a quelque chose à dire, et qu’il le dit avec une authenticité rare.

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