Je l’ai déjà mentionné, et je le répète avec enthousiasme : j’adore les jeux qui stimulent ma réflexion, en particulier lorsqu’ils me poussent à envisager des idées que je n’aurais jamais considérées autrement. Par exemple, mon reflet dans le miroir a-t-il une existence propre, indépendante de la mienne ? Pourrait-il appartenir à un autre monde dont j’ignore tout ? Serait-il une entité à part entière, avec ses propres pensées, ses rêves, et même, qui sait, un petit coin rien qu’à lui ?
Ce type de questionnement peut sembler anodin, voire absurde, mais c’est précisément ce qui me plaît : l’opportunité de m’y plonger de façon interactive. C’est là qu’intervient Still Joking, un jeu développé et publié par Purple Brick Games. En mêlant habilement les codes du roman visuel, de la fiction interactive et du jeu d’aventure, il offre une expérience immersive propice à l’exploration d’un scénario intrigant et fascinant.
Lorsque j’ai découvert pour la première fois le concept de Still Joking, j’ai immédiatement été captivé par son originalité et son audace narrative. Le jeu propose une idée aussi intrigante qu’inattendue : incarner Iris, le reflet d’une célèbre actrice assassinée par un homme barbu alors qu’elle était assise devant son miroir. Cette prémisse éveillait en moi une multitude de questions. Comment un reflet peut-il exister indépendamment de son prototype ? Quel genre d’histoire peut être construite autour d’un tel postulat ? Et surtout, comment Purple Brick Games allait-il donner vie à ce concept audacieux ?
Heureusement, le jeu a répondu à ces interrogations avec brio. Still Joking se présente avant tout comme un roman policier, à ceci près que le mystère ne réside pas dans l’identité du coupable, déjà connue, mais dans la compréhension des raisons qui l’ont poussé à commettre son crime. Pour y parvenir, nous guidons Iris, ainsi que son subconscient, dans un voyage introspectif et existentiel.
En tant que protagoniste, Iris se distingue par son esprit vif, son humour tranchant et sa volonté inébranlable. Contrairement à certains personnages qui gravitent lentement autour d’elle, elle entretient un lien profond avec son “prototype” (le terme employé pour désigner les humains de l’autre côté du miroir) et est déterminée à découvrir les raisons de sa mort. Son parcours est jalonné de rencontres et d’interactions avec une galerie de personnages hauts en couleur, chacun apportant sa propre perspective et ses mystères à découvrir.
Mais la situation d’Iris se complique encore davantage lorsqu’elle doit faire face à un choix déterminant pour son avenir. Son humaine étant morte, elle se retrouve désormais libre de toute obligation en tant que reflet. C’est alors que La Communauté, le gouvernement du monde miroir, intervient pour lui offrir un nouveau départ. Elle se voit assigner un conservateur chargé de l’aider à s’adapter émotionnellement et intègre une équipe d’expédition afin de déterminer sa voie future. Elle peut choisir de devenir une praticienne (c’est-à-dire une personne qui agit), une scientifique (celle qui réfléchit et théorise), ou de ne suivre aucun de ces chemins. C’est cette adaptation progressive à son nouvel environnement, ainsi que les décisions qu’elle prend en chemin, qui forment l’ossature narrative de Still Joking.
L’un des points forts du jeu réside sans aucun doute dans le développement d’Iris en tant que personnage. Son charisme, sa vivacité d’esprit et ses répliques cinglantes en font une protagoniste attachante et rafraîchissante. J’ai été agréablement surpris par la qualité de ses dialogues, souvent drôles et percutants, qui s’éloignent des stéréotypes habituellement attribués aux héros de ce type de jeu.
Une autre idée brillante du jeu est d’avoir donné à Iris un double interlocuteur en la personne de “Iris 2”, son subconscient avec qui elle engage de nombreuses conversations. Cela permet d’explorer ses pensées les plus profondes sans filtre ni faux-semblant, ajoutant une dimension psychologique très intéressante à son personnage. Toutefois, ce même trait qui rend Iris si captivante peut parfois s’avérer excessif. Son ironie permanente et son refus de prendre certaines situations au sérieux finissent, dans des moments cruciaux, par affaiblir l’impact émotionnel de certaines scènes. On a parfois l’impression que Purple Brick Games a voulu trop insister sur son côté sarcastique, au risque de décrédibiliser certaines situations dramatiques.
L’intrigue de Still Joking est rythmée et habilement construite, bien qu’elle souffre parfois de longueurs. Certaines conversations, notamment les discussions techniques et les échanges humoristiques prolongés, peuvent s’étirer au point d’en devenir lassantes. J’ai apprécié la richesse des dialogues et la profondeur du monde développé, mais certains passages auraient gagné à être plus concis.
Dans l’ensemble, Still Joking est un jeu audacieux et captivant, qui parvient à mêler humour, mystère et réflexion existentielle avec une grande habileté. Si certaines maladresses ternissent l’expérience, elles ne suffisent pas à éclipser la qualité de son écriture et la profondeur de son univers. Un titre à découvrir pour les amateurs d’aventures narratives riches et stimulantes.
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