Après une attente de neuf longues années depuis le dernier opus, Sid Meier et le studio Firaxis reviennent enfin avec un nouvel épisode de la légendaire série Civilization. Depuis la sortie de Civilization V en 2010, chaque nouvelle itération de la franchise a introduit des modifications majeures à la formule de jeu, certaines acclamées, d’autres plus controversées. L’objectif a toujours été de renouveler l’expérience pour éviter la redondance tout en restant fidèle aux fondamentaux qui ont fait la renommée de la série.

Civilization VII ne fait pas exception à cette règle. Ce nouvel opus bouleverse de nombreux systèmes centraux du jeu, apportant des ajustements significatifs pour corriger certaines mécaniques jugées perfectibles et insuffler un vent de fraîcheur à l’ensemble. Avec ces transformations d’envergure, Firaxis entend non seulement affiner l’équilibre du gameplay, mais aussi offrir aux joueurs une expérience toujours plus immersive et captivante.

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec la série Civilization, elle est considérée comme le summum du genre des jeux de stratégie 4X. Mais qu’entend-on par 4X ? Ce terme fait référence aux quatre piliers fondamentaux de ce type de jeu : Explorer, Développer, Exploiter et Exterminer. Ces mécaniques définissent un genre stratégique où chaque joueur doit bâtir et faire prospérer son empire en équilibrant expansion, gestion des ressources et conflits militaires.

Le concept de base de Civilization est relativement simple à comprendre, mais sa profondeur stratégique en fait un défi de taille. Le joueur incarne un dirigeant historique parmi un vaste choix de figures emblématiques, et son objectif est de guider sa civilisation à travers les âges, de l’Antiquité à l’ère moderne. Pour y parvenir, il devra explorer le monde inconnu, fonder et développer des villes, exploiter les ressources naturelles, établir des relations diplomatiques… ou les rompre en menant des guerres pour écraser ses rivaux et asseoir sa suprématie.

Cependant, la route vers la domination n’est jamais tracée d’avance. D’autres dirigeants, contrôlés par l’intelligence artificielle ou d’autres joueurs en multijoueur, poursuivent les mêmes ambitions et rivalisent pour imposer leur vision du monde. Civilization se joue sur une carte détaillée représentant le globe, divisée en une grille hexagonale qui structure chaque action : déplacements d’unités, expansion des frontières et positionnement stratégique des villes et armées. Le jeu suit un système au tour par tour, où chaque joueur, à son tour, prend des décisions clés : développer des technologies, bâtir des merveilles, commercer ou déclarer la guerre. Cette progression méthodique s’étend souvent sur des centaines de tours, offrant une expérience riche et profonde où chaque choix peut façonner le destin d’une civilisation entière.

Jusqu’à présent, tout ce qui constituait Civilization VI reposait sur des fondations établies depuis des décennies dans la série. Mais alors, qu’est-ce qui a changé avec Civilization VII ? La réponse est simple : énormément de choses.

L’un des changements les plus marquants et immédiatement visibles concerne le système des ères. Dans Civilization VI, le jeu était structuré en neuf ères distinctes, allant de l’Antiquité aux périodes modernes et futuristes. La progression entre ces ères était fluide, déclenchée par la découverte de technologies spécifiques qui s’intégraient naturellement les unes aux autres. Civilization VII prend une toute autre direction en réduisant drastiquement ce nombre à trois grandes ères : l’Antiquité, l’Exploration et la période Moderne.

Mais cette simplification ne s’arrête pas à un simple regroupement. Le fonctionnement même des ères a été entièrement repensé. Chaque ère fonctionne désormais comme un chapitre bien défini de la partie. Au début de chaque époque, les joueurs doivent choisir un objectif final qui s’aligne sur l’une des conditions de victoire traditionnelles de la série (culturelle, scientifique, militaire, etc.). Contrairement aux anciens jeux, où l’évolution était plus libre, une ère reste verrouillée jusqu’à ce qu’un joueur remplisse son objectif ou qu’un certain nombre de tours se soit écoulé. Ce changement structure profondément le rythme du jeu : au lieu d’une transition progressive entre les ères, Civilization VII impose des paliers stratégiques distincts, forçant les joueurs à repenser leur approche à chaque nouvelle phase.

Avec un nombre d’ères divisé par trois par rapport à Civilization VI, chacune d’entre elles est désormais beaucoup plus longue. Selon la durée choisie pour la partie, une seule ère peut s’étendre sur plusieurs centaines de tours, offrant aux joueurs une expérience plus approfondie et marquant des tournants plus nets dans le développement des civilisations. Cette refonte vise à renforcer l’impact des décisions stratégiques et à donner plus de poids à chaque époque, tout en apportant une nouvelle dynamique à la progression du jeu.

Un autre changement majeur apporté à Civilization VII concerne la refonte en profondeur du système des dirigeants et des civilisations. Dans les opus précédents, chaque partie débutait par un choix fondamental : les joueurs devaient sélectionner un dirigeant historique, qui était systématiquement associé à une civilisation spécifique. Par exemple, Élisabeth Ire représentait l’Angleterre, tandis qu’Abraham Lincoln incarnait les États-Unis. Ce lien direct entre un leader et son empire définissait l’identité de chaque nation et influençait fortement le style de jeu, en fonction des capacités uniques qui leur étaient attribuées.

Dans Civilization VII, ce principe a été totalement bouleversé. Désormais, les dirigeants ne sont plus intrinsèquement liés à une civilisation spécifique. Les joueurs peuvent toujours choisir parmi une vaste liste de leaders historiques au début d’une partie, mais ces derniers ne sont plus restreints à leurs nations d’origine. Benjamin Franklin à la tête de Rome ? Gengis Khan dirigeant l’Égypte antique ? Tout est désormais possible. Cette liberté permet d’expérimenter des combinaisons inédites, en mélangeant des personnalités emblématiques de l’histoire avec des civilisations qui n’ont, à première vue, aucun rapport avec elles.

Mais la plus grande nouveauté – et peut-être la plus surprenante – est la possibilité de changer de civilisation en cours de partie, lors du passage d’une ère à une autre. Concrètement, lorsqu’une nouvelle époque commence, les joueurs ont l’opportunité de choisir une nouvelle civilisation, indépendamment de celle qu’ils dirigeaient auparavant. Cela signifie que l’on peut entamer la partie en menant l’Empire romain sous la direction de Benjamin Franklin, puis, une fois l’ère suivante atteinte, se retrouver à la tête de la Chine ou de l’Empire ottoman.

Ce changement radical soulève plusieurs interrogations. Décorréler les dirigeants de leurs civilisations historiques peut sembler être une manière d’encourager la créativité et de renouveler l’expérience de jeu, mais cela risque également de diluer l’identité culturelle et historique qui faisait le charme de la série. De plus, l’absence de continuité logique entre les civilisations successives peut donner une impression d’arbitraire : rien ne garantit que le passage d’une nation à une autre soit justifié par un lien historique ou une évolution naturelle. Ce système intrigue, mais il reste à voir s’il enrichira réellement le gameplay ou s’il introduira une dissonance qui pourrait dérouter les vétérans de la franchise.

En plus des changements majeurs apportés au système des ères et à la gestion des dirigeants, Civilization VII introduit une multitude de modifications plus subtiles qui viennent affiner et moderniser la formule de jeu. Bien que ces ajustements puissent sembler mineurs au premier abord, ils ont un impact significatif sur la manière dont les joueurs développent et gèrent leurs empires au fil des parties.

L’un des changements notables concerne la gestion des villes, qui a été simplifiée afin de rendre l’expansion et l’administration des territoires plus fluides. L’un des aspects les plus marquants de cette refonte est la suppression des travailleurs, ces unités qui, dans les précédents opus, étaient chargées d’améliorer les cases autour des villes en construisant des fermes, des mines ou des routes. Dans Civilization VII, ces tâches sont désormais automatisées ou intégrées directement dans la mécanique de développement urbain, réduisant ainsi la microgestion et permettant aux joueurs de se concentrer davantage sur les décisions stratégiques à grande échelle.

Autre ajustement important : l’évolution du système de districts. Introduits dans Civilization VI, ces quartiers spécialisés – comme le campus scientifique, le centre commercial ou le port – étaient des éléments clés du développement des villes, chacun ne pouvant accueillir qu’un seul bâtiment majeur à la fois. Dans Civilization VII, cette limite a été assouplie, et chaque district peut désormais contenir deux bâtiments simultanément. Cette modification permet une plus grande flexibilité dans l’aménagement urbain et encourage des choix plus stratégiques quant aux infrastructures à privilégier, sans nécessiter d’étendre excessivement les villes sur la carte.

Ces ajustements, bien que plus discrets que les révisions majeures du jeu, témoignent de la volonté de Firaxis d’optimiser l’expérience de jeu en allégeant certains aspects fastidieux tout en conservant la profondeur stratégique qui fait le succès de la franchise. Reste à voir comment ces changements seront accueillis par les joueurs et si cet équilibre entre simplification et complexité sera réussi.

Visuellement, Civilization VII est un jeu solide et soigné pour son genre. Bien que la série ait toujours privilégié la clarté et l’accessibilité graphique plutôt qu’un réalisme poussé, cet opus marque une nette amélioration visuelle par rapport à son prédécesseur. L’évolution est particulièrement notable lorsque l’on dézoome la caméra, offrant une vue d’ensemble plus détaillée et agréable du monde.

Les paysages sont désormais plus riches en détails, avec des effets visuels supplémentaires qui donnent vie aux environnements. Montagnes, forêts, rivières et océans bénéficient d’un niveau de finition supérieur, et bien que ces éléments décoratifs n’aient pas d’impact direct sur le gameplay, ils renforcent l’immersion lorsque l’on s’attarde sur une ville ou une unité. Le travail apporté aux animations des armées et aux mouvements des unités contribue également à rendre l’ensemble plus vivant et dynamique.

Malgré cette amélioration graphique, le jeu reste étonnamment léger sur nos disques durs. L’optimisation semble bien maîtrisée, et Civilization VII tourne de manière fluide sur la plupart des configurations, y compris sur des machines moins puissantes. Toutefois, en fin de partie, lorsque les civilisations se multiplient et que les actions de l’IA deviennent plus complexes, une légère baisse de framerate peut survenir lors du passage de tour. Ce ralentissement, bien que perceptible, ne gêne pas l’expérience globale et reste bien moins marqué que dans certains anciens volets de la franchise.

L’ambiance sonore de Civilization VII accompagne parfaitement l’expérience de jeu, avec une bande-son qui évolue au fil des époques pour correspondre aux différentes périodes historiques traversées. Chaque ère bénéficie ainsi de compositions musicales adaptées, à la fois épiques et thématiquement cohérentes avec l’atmosphère du jeu. Pourtant, malgré de nombreuses heures passées à écouter ces morceaux en arrière-plan, aucun ne m’a véritablement marqué. La musique, bien que de qualité, ne se démarque pas particulièrement, ce qui est un peu décevant pour une série qui a parfois su proposer des thèmes mémorables.

En revanche, les effets sonores restent une réussite. Chaque action effectuée au cours d’un tour est accompagnée de sons distinctifs et immersifs qui rappellent immédiatement l’identité de la franchise. Que ce soit le bruit des pages qui se tournent lors de la recherche de nouvelles technologies, le son caractéristique des combats, ou encore les notifications des diplomates, tout est parfaitement en place et fidèle à l’univers de Civilization. Ceux qui ont joué aux précédents opus retrouveront ces repères sonores instantanément.

En fin de compte, Civilization VII reste du Civilization. Si vous avez aimé Civilization V ou VI, il y a de fortes chances que cet opus vous plaise également, car il reprend la même base fondamentale qui a fait le succès de la série. Les nouveaux systèmes d’ères, de dirigeants et la simplification de certains aspects de la gestion des villes pourraient cependant diviser la communauté, notamment les puristes attachés aux mécaniques plus classiques.

Malgré ces ajustements, l’expérience de jeu reste aussi captivante et addictive qu’elle l’a toujours été. Comme à son habitude, la série offre une profondeur stratégique immense, avec des dizaines – voire des centaines – d’heures de jeu possibles. Chaque partie est une nouvelle aventure, et même après de longues sessions, la sensation de découverte et d’optimisation reste intacte. Pour les amateurs de la franchise et des jeux de stratégie en général, Civilization VII continue d’être une valeur sûre.

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