Bien que Hironobu Sakaguchi, le créateur de Final Fantasy, dirige son propre studio Mistwalker depuis plus de vingt ans, ses jeux n’ont pas été très accessibles aux fans de RPG. Après un premier succès avec Blue Dragon sur Xbox, le studio s’est surtout concentré sur des titres pour consoles portables et mobiles, notamment son dernier projet, Fantasian.

Trois ans après son lancement initial en exclusivité sur Apple Arcade, ce RPG jusque-là peu connu voit enfin son horizon s’élargir avec une sortie sur consoles et PC sous le nom de Fantasian Neo Dimension, grâce à Square Enix. Ayant manqué sa sortie d’origine en raison de son exclusivité, j’étais particulièrement impatient de découvrir cette version, d’autant plus qu’elle propose désormais un doublage intégral. Après avoir plongé dans cette aventure narrative, je peux affirmer que Fantasian Neo Dimension est devenu l’un des meilleurs RPG au tour par tour que j’ai joué depuis un certain temps !

Fantasian Neo Dimension raconte l’histoire de Léo, un jeune homme qui se réveille dans un monde envahi par les machines, frappé d’une amnésie sévère. Une grande partie de son périple consiste à retracer son passé et à découvrir son identité, avant que l’intrigue ne prenne une ampleur bien plus vaste, avec des enjeux troublants. Bien que Léo soit un protagoniste fort, son amnésie et les thématiques qui en découlent sont explorées de manière mémorable et émouvante, il ne reste pas le seul personnage marquant de cette aventure.

Au fil de son voyage, Léo croise la route de plusieurs alliés charismatiques, comme Cheryl, une princesse d’un royaume influent, un capitaine de vaisseau respecté, et une mage talentueuse en quête de ses propres origines. Chaque membre de l’équipe dans Fantasian Neo Dimension se distingue par son caractère attachant, une dynamique de groupe exceptionnelle et des motivations profondes, rendant chaque interaction encore plus captivante.

Le doublage anglais est tout simplement remarquable, parmi les meilleurs que j’ai jamais entendus. Chaque personnage bénéficie d’un casting parfaitement adapté, et les dialogues des figures principales sont interprétés avec une justesse exemplaire. En réalité, l’ensemble des personnages jouables offre des performances si convaincantes qu’il m’est impossible de désigner un favori. Ce travail de doublage à lui seul justifie l’attente pour cette version mise à jour, car il est difficile d’imaginer vivre ces scènes sans cet ajout essentiel.

Cependant, le doublage n’est pas le seul élément qui rend le récit captivant : l’intrigue en constante évolution et l’écriture habile y jouent également un rôle clé. Comme mentionné précédemment, l’amnésie de Léo n’est qu’un des nombreux conflits que vous rencontrerez, bien qu’elle soit abordée avec beaucoup d’intelligence. Tout au long de l’aventure, Léo découvre des mini-bases qu’il possède à travers le monde, mais son amnésie l’empêche de désactiver leurs systèmes de sécurité. Cette déconnexion entre son passé et son présent transforme ces bases en véritables donjons, où même les coffres au trésor sont protégés par des mesures sophistiquées. Ce concept crée un lien immersif entre le joueur et le Léo d’aujourd’hui, tout en mettant en contraste son passé mystérieux.

Un autre élément clé de cette histoire réside dans son cadre à multiples niveaux. Par exemple, dans les premières heures, Léo se réveille dans le monde des machines, et comprendre le lien entre cet environnement mécanique et le monde plus traditionnel des humains devient une priorité. Cette connexion est d’autant plus urgente à cause de Mechteria, une infection qui ravage le monde humain, menaçant peu à peu sa survie. Bien que la situation soit désastreuse, Léo dispose d’un appareil de téléportation pratique, laissé par son ancien lui. Ironiquement, cet appareil ne peut le transporter, lui et ses compagnons proches, que vers des lieux gravés dans sa mémoire, le forçant ainsi à repartir quasiment de zéro dans sa quête.

Sans surprise, Léo est probablement mon personnage préféré, mais j’ai également développé une affection particulière pour Cheryl, la princesse du royaume voisin. Fière sans jamais être agaçante, elle apporte une touche d’humour à travers ses comportements, notamment ses penchants romantiques envers Léo, qui donnent lieu à des échanges mémorables. Kina, la première alliée de votre groupe, se distingue également par sa gentillesse et son empathie. Bien qu’elle ignore tout de ses origines, elle reste toujours prête à aider, ce qui la rend particulièrement attachante.

À ce sujet, Fantasian Neo Dimension propose parfois une présentation unique pour ses moments riches en développement de personnages et en récits de fond. Contrairement à la structure traditionnelle d’un jeu vidéo, ces révélations narratives sont présentées comme un roman interactif : un narrateur raconte l’histoire, tandis que les doubleurs interprètent les dialogues des personnages impliqués, évoquant l’expérience d’un livre audio. Bien que surprenantes au début, ces scènes apportent un degré d’immersion que le reste du jeu ne parvient pas tout à fait à égaler, grâce à leur combinaison unique de narration et de performance vocale. Heureusement, ces moments restent rares, leur donnant ainsi un impact plus fort et leur permettant de briller individuellement.

Le gameplay de Fantasian Neo Dimension m’a agréablement surpris. Le jeu propose un système de combat au tour par tour intuitif, dont la principale innovation réside dans la portée directionnelle. En clair, certaines attaques peuvent soit contourner le champ de bataille, soit traverser plusieurs ennemis en un seul coup, ce qui encourage des stratégies simples mais efficaces. Chaque membre du groupe possède également ses propres mécaniques uniques : par exemple, certains peuvent fabriquer des objets en plein combat pour obtenir des effets particulièrement avantageux.

Les commandes rendent le déroulement des batailles fluide. En plus des classiques magies, équipements pour booster les statistiques, et compétences spécifiques à chaque personnage débloquées au fil des niveaux, le jeu propose des raccourcis pratiques. Les gâchettes gauche et droite permettent d’exécuter rapidement des actions : la gauche est dédiée aux attaques standards, tandis que la droite répète la dernière compétence utilisée, offrant ainsi une sorte de « mémoire de curseur ». Bien que les menus traditionnels restent disponibles, cette fonctionnalité accélère les combats sans les rendre superficiels.

Un autre aspect marquant est le système du Dimengion, une mécanique ingénieuse qui renouvelle l’exploration et les combats aléatoires. Lorsque vous traversez les zones, les ennemis apparaissent de manière classique, mais grâce à une machine récupérée par Léo en début de jeu, ces ennemis peuvent être stockés dans une dimension alternative, le Dimengion. Cela vous permet d’explorer librement sans être interrompu, tout en rassemblant les ennemis pour un combat massif ultérieur.

Cependant, cette fonctionnalité n’est pas sans limite : la capacité du Dimengion est restreinte, et elle ne fonctionne pas sur des ennemis que vous n’avez jamais affrontés. Vous devez donc décider stratégiquement quand activer ou désactiver cette mécanique, ce qui introduit une dimension tactique intéressante. Affronter plusieurs vagues d’ennemis (jusqu’à 30 au début) dans un combat groupé peut être risqué, mais des bonus passifs sont disponibles pour rendre ces affrontements plus gérables. Cette mécanique, qui équilibre exploration et gestion des combats, est une véritable innovation que d’autres RPG devraient adopter.

La difficulté est un autre point fort de Fantasian Neo Dimension. Cette version mise à jour introduit un mode de difficulté Normal, mais par curiosité, j’ai choisi de jouer en mode Difficile, issu de la version originale sur Apple Arcade. Le jeu, initialement divisé en deux parties, voit une augmentation nette de sa difficulté dans la seconde moitié, particulièrement lors des combats de boss.

La première moitié reste accessible, même en Difficile, grâce à des combats qui requièrent une stratégie de base et une bonne utilisation des compétences des personnages. En revanche, la deuxième moitié devient bien plus exigeante, introduisant des arbres de compétences propres à chaque personnage, absents au départ, et des affrontements de boss particulièrement mémorables. Cette montée en difficulté arrive à un moment où le joueur maîtrise parfaitement les mécaniques du jeu, rendant l’expérience gratifiante et équilibrée.

Si vous êtes à la recherche d’un défi juste mais exigeant, le mode Difficile est une option idéale. Les combats de boss, notamment, offrent des moments de tension et de satisfaction qui justifient pleinement le choix de cette difficulté.

Fantasian Neo Dimension propose une belle variété de villes et de lieux similaires, regorgeant d’objets cachés à découvrir, à l’image des RPG classiques. Vous y trouverez également des coffres aux trésors verrouillés, nécessitant des clés spécifiques lâchées par des monstres spéciaux. Ces explorations sont plaisantes et bien conçues, mais elles ne sont pas exemptes de quelques défauts.

Par exemple, les quêtes secondaires sont souvent anecdotiques et donnent l’impression d’avoir été ajoutées par obligation. Bien qu’elles ne soient pas mauvaises en soi, elles manquent généralement d’intérêt et se contentent de récompenser le joueur par des gains modestes. Certes, il existe quelques exceptions, mais dans l’ensemble, elles n’offrent ni enjeu captivant ni récompenses assez significatives pour justifier le temps et l’effort qu’elles demandent. À l’inverse, les coffres aux trésors dissimulés sont nettement plus gratifiants, contenant souvent des équipements améliorés et d’autres objets utiles.

À une époque où de nombreux projets cherchent à raviver la magie des anciens RPG, souvent avec brio, Fantasian Neo Dimension s’impose comme une véritable réussite, fruit du talent intact d’un vétéran du genre. Avec sa narration captivante, ses combats excellents et son casting brillamment interprété, renforcé par un doublage anglais exceptionnel, le jeu s’affirme comme une expérience incontournable pour les amateurs de RPG au tour par tour. Espérons que ce titre permettra à Mistwalker de toucher un public plus large et ouvrira la voie à des portages des classiques du studio, tels que Blue Dragon, Lost Odyssey et The Last Story.