« La plupart des histoires commencent par le début…Mais les choses ne sont pas aussi simples avec celle-ci. »

(L’étranger – Bastion – 2011)

C’est l’histoire d’un tout petit studio nommé Supergiant Games, à l’époque édité par Warner Bros. Mais qui plus tard deviendra l’un des acteurs majeurs de la scène du jeu vidéo indépendant. Mais pour le moment, c’est l’histoire d’un mec qui enregistre la BO du jeu dans un placard. De la voix d’un narrateur faisant de même, et d’une idée: Faire un jeu, et imposer un style façon Supergiant Games, un jeu avec narration mystérieuse, mais claire si on est attentif, un jeu exigeant autant d’un point de jeu narratif que ludique, un jeu artistiquement abouti, sans pour autant négliger la jouabilité qu’on attend d’un Action RPG.

Ce jeu c’est Bastion, le premier opus d’une ludographie exemplaire, celle d’un tout petit studio mais avec des ambitions et un cœur géant, voir même Supergiant… (Oui ça sonnait mieux dans ma tête, oui je l’avais préparée, oui je sors, mais d’abord je finis mon article)

La direction artistique.

Bastion s’ouvre sur la voix d’un narrateur qui, alors que votre personnage s’éveille, commente ses actions. Le dit personnage évoluant dans un décor semblant se matérialiser sous ses pieds au fur et à mesure qu’il avance. On comprend peu à peu que nous sommes dans une sorte de monde post-apo, et qu’en cas de problème, il nous faut aller vers le Bastion. Nous y allons, nous rencontrons des personnages, qui vout nous aider à avancer et à mieux comprendre le monde autour de nous. Nous allons trouver des armes, découvrir de nouvelles capacités, de nouveaux pouvoirs, de nouveaux alliés…Bref vous connaissez la chanson, c’est un jeu d’action-aventure.

Mais là où le jeu se démarque, c’est pour commencer sur l’attention qui a été donnée aux détails, surtout d’un point de vue artistique.

Déjà comment parler de ce jeu sans parler de sa direction artistique ? Ce style tout en dessin que l’on retrouvera dans tous les jeux Supergiant, coloré, vivant, et léché. Je crois qu’un exemple parlera mieux qu’un long discours…

Trailer du lancement de Bastion. Visionnable sur la chaine youtube de Supergiant Games.

Et puis cette narration… non seulement on peut remercier Logan Cunningham pour sa prestation incroyable, mais aussi l’équipe d’écriture, pour avoir réussi à créer une narration s’adaptant non seulement aux actions du joueur, mais aussi toujours vivante, prenante, parvenant à devenir actrice de l’histoire, et source d’interrogation pour le joueur, qui en cours de combat va souvent mettre pause après avoir saisi un détail important de l’histoire en lisant entre les lignes de ce que dit ce narrateur…En tout cas moi je l’ai fait.

Une rétrospective datant de 2020 de la carrière d’acteur de de Logan Cunningham chez Supergiant Games. Visionnable sur la chaine youtube de Supergiant Games.

Et je ne parlerai même pas de la musique du jeu composé par Daren Korb, à l’instar de toutes les BO des jeux Supergiant Games. Contentez vous d’écouter, je pense que vous n’avez pas besoin de moi pour apprécier.

La bande originale de Bastion, par Daren Korb.

Et l’histoire…L’histoire en elle-même est assez classique, nous sommes dans un monde Steampunk-Fantasy-Post-Apo, et nous avons un moyen de donner un second souffle à ce monde…Mais je n’en parlerai pas plus ici, si vous avez déjà joué à ce jeu, ou si pour des raisons que la morale réprouve vous voulez vous le divulgâcher, (T’as vu j’évite les anglicisme, je suis un être si subversif.) rendez-vous plus bas.

La jouabilité.

Bastion se joue d’une façon assez classique, c’est un jeu d’action-aventure avec des éléments de RPG, dans lequel vous incarnez « Le Kid » un jeune garçon, fort, et taciturne tentant de survivre au milieu de cette apocalypse ou comme ils le disent: de la « Calamité ». Et pour ça, c’est simple il faut tout casser. Et comment ? C’est encore plus simple:

  • Un bouton pour l’attaque au corps à corps
  • Un bouton pour l’attaque à distance
  • Un bouton pour la roulade
  • Un bouton pour l’attaque spéciale
  • Un autre pour le bouclier.

Et voilà, vous savez tout ! Mais à tout ceci, il faut rajouter:

  • Les différentes divinités que vous pouvez invoquer ou non, pour compliquer le jeu contre un bonus d’expérience.
  • La bonne dizaine d’armes que vous pouvez débloquer, chacune ayant un comportement très différent et de nombreuses améliorations.
  • Les très nombreuses capacités spéciales que vous pouvez trouver dans le jeu.

Bref, facile à prendre en main, mais difficile à maîtriser à 100%, un bon équilibre en somme. Et je n’ai pas abordé les petites subtilités, comme:

  • Les parades parfaites
  • Les attaques spéciales liées à chaque armes
  • Le système de « Farming » e d’expérience.
  • Les boissons que l’on peut boire à la distillerie pour gagner des avantages
  • Les épreuves pour gagner de précieuses ressources.

Avec tout ceci, si Bastion n’est pas un jeu révolutionnaire, il n’en est pas moins un jeu de bonne facture, qui brille par un gameplay maitrisé.

Les premières minutes de Bastion, vous donnant un aperçu des mécaniques décrites plus haut. Publié par Wile E Nigma.

!Zone Spoiler!

Bien, ce que vous avez lu et vu vous tente ? Alors arrêtez vous ici. Parce que maintenant je vais vous parler de ce qui rend ce jeu unique, mais malheureusement c’est impossible à démontrer sans le spoiler alors si vous continuez, c’est à vos risques et périls.

Attention: Ceci est le résultat de mes recherches et de mon interprétation du jeu, mais vu que la narration du jeu marche surtout par suggestion, des choses ont pu m’échapper, et surtout tout ceci est le résultat de ma subjectivité et de ma perception.

Sauver notre pays !

Vous incarnez le Kid donc, un ex-soldat de la cité de Caelondia dans laquelle vivent les Caels. Caelondia était une fière cité, aujourd’hui en ruines, et c’est l’objet de votre quête, vous souhaitez utiliser le pouvoir du Bastion pour ramener la cité. Car le Bastion, si on lui donne des « noyaux » des sources d’énergie, peut littéralement remonter le temps jusqu’à un certain point, ce qui permettrait de ramener la cité dans toute sa splendeur. Vous partez donc à la chasse au noyaux, et pour cela, vous détruisez tout sur votre passage.

Sauf qu’en chemin vous tomberez sur deux personnages étant originaires d’une ethnie qui, avant la calamité, étaient en guerre plus ou moins ouverte avec les Caels: les Ura, un peuple d’êtres humains à la peau pâle et aux cheveux noirs, qui vivaient visiblement sous terre. Mais les rancœurs du passé sont oubliées n’est-ce pas ?

Dans cette première partie du jeu, le joueur voit tout ce qu’il y avait de beau dans la cité, et ne fait qu’effleurer la surface du conflit qui opposait les Caels aux Uras. Le joueur a donc un avis positif de la cité, et ne sera donc que d’autant plus touché quand…

L’un des deux Uras que nous avons sauvé décide de nous trahir. Et ce en raison d’un journal auquel il a eu accès… Journal dans lequel il a découvert que la Calamité n’est pas due au hasard, qu’il s’agit d’une arme crée par les Caels pour tenter d’exterminer les Uras, mais l’arme semble avoir été retournée contre les Caels. Mais ça, le joueur ne le comprends pas tout de suite…

Sauver notre pays ?

C’est alors que le joueur entre dans la seconde partie du jeu, il retourne à l’aventure pour tenter de réparer les dégâts, car les Uras ont endommagé le Bastion avant de partir, mais là le jeu prend…une tout autre tournure. Tout à coup, on se met à voir les parts d’ombre de la cité, tout à coup, le jeu nous fait perdre nos repères, parfois littéralement en raison de passages durant lesquels le Kid, empoisonné par des plantes hallucinogènes se met à avoir des visions étranges, que le jeu utilise habilement pour souligner la violence aveugle dont le joueur à fait preuve… Bon, après on peut souligner le fait que, dans un jeu d’action, qui rend la violence amusante, reprocher ensuite au joueur sa violence, est un peu étrange, et pourtant ça fait mouche dans la logique de l’histoire. Qu’a fait le Kid depuis le début, au nom de la résurrection de sa cité ? Il a tout détruit sur son passage…

Puis révélation après révélation, on comprend que Caelondia, n’était pas une utopie, n’est pas une cité qui a été balayée par le hasard, ou une injustice. Mais une cité qui a cédé à la xénophobie et à la haine, qui a tenté d’utiliser une arme de destruction massive pour exterminer un autre peuple. Et si la situation est ce qu’elle est, c’est parce que cette arme, cette « calamité » s’est retournée contre elle.

Et c’est alors que le joueur est confronté à une question: J’ai fait tout ça pour sauver la cité, mais le dois-je vraiment ?

Le choix.

Vers la fin du jeu à deux reprises, le joueur sera mis face à des choix. Le premier: le sort de Zulf. Zulf c’est l’Ura qui vous a trahit en milieu de jeu, que vous retrouverez laissé pour mort par ses compatriotes pour des raisons inconnues. Et là le jeu nous demande si on lâche notre arme pour l’emporter avec nous, ou si on continue de tout casser ? Le jeu nous poussant à l’empathie envers Zulf vers cette partie du jeu, je n’ai vu que peu de joueurs ne pas le sauver.

Et quand on le fait…on voit une scène magnifique: les Uras qui tirent à vue sur le Kid qui portent Zulf avec lui, puis qui finalement cessent le feu. Oui, par respect pour le Kid qui néglige sa propre défense pour sauver l’un des leurs, les Uras finissent par vous regarder passer pacifiquement. Petit détail qui tue, à un moment l’une des Uras de rage tire sur le Kid malgré tout, et elle est immédiatement assommée par un officier. Et alors, avec la dernière pièce qu’il vous manquait, vous retournez au Bastion. Rien qu’un moment, le Kid aura réussi à briser le cercle de la violence. Et ça c’est beau.

Et si vous choisissez de ne pas sauver Zulf…Ben on casse tout, surement très drôle mais narrativement moins passionnant.

Puis une fois dans le Bastion restauré, un second choix s’offre au joueur: Restaurer la cité telle qu’elle était, ou évacuer ? Car oui, le Bastion ne permet pas que de restaurer la cité, il peut aussi évacuer les survivants ailleurs. Et alors, la question sous-jacente est la suivante: les Caels peuvent-ils apprendre ? Peuvent-ils ne pas répéter les erreurs du passé, et ne pas choisir la voie du génocide ? Si on laissait une seconde chance à un peuple qui a choisi un tel chemin, ferait-il un autre choix ? Autant de questions fascinantes qui avec moi n’ont pas eu lieu d’être car j’ai choisi l’évacuation, pas parce que je ne crois pas en la capacité des gens à apprendre, mais parce que je ne crois pas en la capacité des systèmes à apprendre. Si un système s’est effondré, il ne faut pas selon moi tenter de le rebâtir, mais en bâtir un autre, sinon le nouveau système répétera les erreurs de l’ancien, et lui aussi s’effondrera. Mais vous, qu’auriez-vous fait ?

Question fascinantes, et tout sauf manichéennes, il ne s’agit pas d’un choix binaire sur lequel tout le monde sera d’accord, mais d’un mélange de fatalité, d’optimisme et de foi face auquel personne ne réagira de la même manière.

Une vidéo extraite de Bastion comprenant: Le passage du sauvetage de Zulf, et la fin, Zulf sauvé/Évacuation. Publié par Sui.

!Fin de la zone Spoiler!

Conclusion.

Bastion donc, et Supergiant Games, ont prouvé avec ce premier jeu qu’ils étaient, non seulement compétents artistiquement, mais surtout narrativement, qu’ils avaient la capacité de raconter des histoires avec subtilité, et que ces histoires ne manquaient pas de profondeur. Et c’est pour ces raisons que je vous invite à jouer à Bastion. Pas seulement parce que c’est un bon jeu, mais parce que c’est selon moi un jeu qui utilise pleinement la palette de techniques et d’émotions que les jeux-vidéos sont capable de transmettre, ou pour faire court: dans une vingtaine d’années, quand le jeu-vidéo sera reconnu comme un art comme les autres, ce sera le genre de jeux que tout le monde reconnaitra comme quelque chose de profondément et d’indéniablement artistique.

Une critique de Bastion par le youtuber anglophone, Johnny. (SomecallmeJohnny)

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