Tony, la cinquantaine, chauffeur d’autobus scolaire renfermé sur lui-même, vit seul après avoir abandonné femme et enfant vingt ans plus tôt. Bousculé par un malaise cardiaque, il trouve le courage nécessaire pour affronter son passé et s’inscrire incognito dans le cours de danse dirigé par sa fille, qu’il n’a jamais connue, dans le but de la (re)conquérir et de donner un sens à sa vie.
Entretien avec Franck Dubosc :
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COMMENT EST NÉ « RUMBA LA VIE » ?
Les projets naissent souvent d’un mélange de plusieurs éléments. Le premier, ici, était l’envie de tourner dans le décor de la danse de salon. Cet art repose sur un genre musical que j’affectionne, j’aime son élégance et le fait qu’elle se danse encore à deux. J’ai été inspiré par la couleur et l’humeur qu’on y trouve et la réaction que cela provoque : une envie de rire puis d’aimer. Par ailleurs, l’histoire m’est apparue lorsque j’ai ressenti de plus en plus de culpabilité à quitter mes enfants, même une semaine, pour aller travailler. Je dirais donc que ce film était une façon de me déculpabiliser dans un décor qui me plaisait.
« LA RUMBA C’EST COMME LE CHEVAL, ÇA NE S’IMPROVISE PAS ». LES SCÈNES DE DANSE ONT-ELLES EXIGÉ UNE LOURDE PRÉPARATION ?
À l’écriture, je me suis arrangé pour ne pas avoir trop à danser et, par le cadrage, on peut aider à rendre les mouvements plus jolis. Donc, plus que l’entraînement physique, je dirais que c’était un challenge de réalisation. Nous avons affaire ici à un art très esthétique et je ne voulais surtout pas que RUMBA LA VIE soit un film de danse, un clip ou même une démonstration. L’enjeu était d’utiliser le lieu pour s’intéresser davantage aux personnages, aux coulisses, à la passion que cela peut engendrer et surtout à la relation père-fille qui allait s’y jouer.
ÉTIEZ-VOUS SENSIBLE À LA NOSTALGIE DONT CET UNIVERS EST TEINTÉ ?
Lorsqu’on observe les gens qui pratiquent la danse de salon, force est de constater qu’ils sont bien dans le présent. Mais, c’est vrai que dans l’esprit collectif, il y a quelque chose dans cet art qui paraît désuet. Or, je suis sensible au charme suranné de ce genre d’activité. Est-ce parce qu’à mon âge, on a plus de passé que d’avenir ? En tout cas, j’ai une nostalgie positive.
PAR AILLEURS, VOUS AVEZ TOUJOURS EU À CŒUR DE RÉHABILITER LES RINGARDS OU LES « PAS BRANCHÉS »…
Oui parce que ce sont des gens que j’aime beaucoup, dont je (ou j’ai) peut-être fait partie. Mais je dois avouer que lorsque j’ai assisté à mon premier cours de danse de salon, j’étais prêt à me marrer. Pendant les 5 premières minutes, j’avais une distance un peu moqueuse et je voyais des éléments de comédie à apporter au film. Mais plus le temps passait, plus j’enviais les élèves et j’ai fini par vouloir faire partie de leur univers. C’était exactement le même processus pour CAMPING : les gens allaient voir le film en pensant rire des campeurs mais ils en sortaient avec l’envie de les imiter. Or, c’est ce à quoi j’aspirais en racontant l’histoire de RUMBA LA VIE.
TONY, VOTRE PERSONNAGE, A UN LOOK SINGULIER. L’AVIEZ-VOUS EN TÊTE DÈS L’ÉCRITURE ?
Oui et j’espérais que la moustache m’irait car au-delà du pouvoir de me cacher (quand on est amené à travailler de longs mois sur son image, c’est plus facile de voir quelqu’un d’autre que soi), je voulais que les spectateurs potentiels de ce film reconnaissent dans ce personnage leurs propres pères. Au cinéma, j’ai tendance à moins penser au public que lorsque j’écris un spectacle – où je calcule pour faire rire – mais cette fois je pensais aux deux car Tony n’est pas si éloigné de mon père non plus. Et pour tout dire, il y a encore plus de moi dans ce film que dans le premier : ce chauffeur de car ressemble davantage aux gens que j’ai connus et il est, comme moi, un papa. Et puisque j’ai deux garçons, je me suis fait plaisir en m’offrant une fille de cinéma.
QU’EST-CE QUI VOUS A CONVAINCU DE CONFIER LE RÔLE DE VOTRE FILLE À LOUNA ESPINOSA ?
J’ai vu, au casting, beaucoup de jeunes comédiennes talentueuses de 25-26 ans et si leur maturité était celle d’une professeure de danse, je craignais qu’on puisse imaginer entre ce personnage et le mien un rapport de séduction. Or, un beau matin, Louna a débarqué avec toute la fragilité de ses 20 ans et c’est en la voyant que j’ai compris qu’elle pouvait transmettre l’émotion que je recherchais. Car même en voulant jouer les jeunes femmes déterminées, elle dégageait toute la fébrilité qu’elle tentait de cacher. Je l’ai revue de nombreuses fois et elle ne m’a jamais déçu. Jusqu’au moment où je devais me décider : c’était un jour de grève et la plupart des actrices avaient dû décliner mais au fond de moi je n’espérais que sa venue à elle. Car elle était devenue une évidence pour moi. Hasard du calendrier, je l’ai choisie le jour de mon anniversaire et lui ai annoncé la nouvelle le jour du sien.
COMMENT AVEZ-VOUS COMPOSÉ LE RESTE DU CASTING ?
Jean-Pierre Darroussin représentait, pour le réalisateur que je suis, un fantasme d’acteur et j’ai eu la chance qu’il accepte le rôle de l’ami immédiatement. C’est un Stradivarius donc il suffit de lui dire ce qu’on veut et il vous le joue. Il vous interroge intelligemment mais lui, ne se pose pas plus de questions que cela. Marie-Philomène Nga, elle, est arrivée de manière plus surprenante car la voisine était, au départ… un voisin ! Mais, en passant des essais pour autre rôle, mineur, elle m’est apparue si formidable que j’ai transformé, pour elle, l’un des personnages principaux. Et pour la mère, Carmen, je voulais une actrice ibérique afin de donner au film une couleur. Je connaissais Karine Marimon qui incarnait mon assistante dans DIX JOURS SANS MAMAN et je rêvais de trouver son homologue étranger. Mais quand j’ai appris qu’elle avait des origines espagnoles et prenait très bien l’accent, je n’ai plus eu besoin de chercher.
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