Avec Steel Seed, le studio italien Storm in a Teacup (Le petit label indépendant qui monte ESDigital Games) voit les choses en grand : leur objectif, c’est clairement de livrer ce que beaucoup attendent depuis longtemps — un vrai jeu d’action furtif à la troisième personne. On est loin de leur premier titre, Close to the Sun. Cette fois, ils misent sur une expérience plus ambitieuse, avec un budget plus costaud, un gameplay bien ficelé, et un pari un peu risqué dans le paysage vidéoludique actuel.
Après avoir passé pas mal d’heures à arpenter les couloirs froids et industriels de Steel Seed, je peux le dire sans hésiter : ce jeu, c’est clairement plus qu’il n’y paraît. Au premier coup d’œil, on dirait un jeu d’infiltration SF classique, sombre et un peu inquiétant. Mais en creusant, on découvre un jeu qui demande de la précision, de la patience, des talents de parkour, et qui pose de vraies questions morales — le tout dans un univers aussi beau que sombre, qui te pousse à réfléchir avant chaque mouvement.
Si vous débarquez dans Steel Seed en espérant un jeu d’action nerveux et explosif, vous risquez d’être vite déçu. Ce n’est clairement pas ce genre de trip. Ici, pas de baston tous azimuts ni de spectacle hollywoodien : le jeu s’adresse plutôt à ceux qui aiment prendre leur temps, ressentir la tension, et savourer chaque infiltration comme une partie d’échecs. Il faut observer, planifier son chemin pièce par pièce, jouer avec les ombres, éviter les patrouilles robotiques, et utiliser l’environnement avec finesse.
C’est une expérience plus cérébrale que spectaculaire — et si vous n’êtes pas prêt à ralentir le rythme, ça risque de coincer un peu.
Les mécaniques d’infiltration tiennent bien la route. Le champ de vision des ennemis est crédible, le bruit joue un vrai rôle, et les outils de distraction sont bien pensés — assez efficaces pour être utiles, mais pas trop faciles non plus, ce qui pousse à les utiliser avec un minimum de jugeote. Au bout de quelques heures, j’avais trouvé mon petit rythme : repérage des patrouilles, marquage des cibles avec Koby (votre fidèle drone), et progression en mode fantôme, sans jamais sortir une arme.
Et quand je me faisais griller, j’avais rarement l’impression que le jeu était injuste. En général, c’est parce que j’étais trop pressé… ou trop confiant. Ce que j’ai vraiment apprécié, c’est que Steel Seed ne vous punit pas trop violemment quand vous sortez de l’ombre. Il y a des options pour fuir ou vous défendre, mais croyez-moi, on sent vite que ce n’est pas le chemin optimal. Le combat est là, il fait le job, mais c’est clairement le plan B. Et franchement, c’est comme ça que ça devrait être dans un bon jeu d’infiltration.
J’ai tenté une partie 100 % pacifiste, et bonne nouvelle : c’est non seulement faisable (à quelques exceptions scénaristiques près), mais aussi vraiment gratifiant. Par contre, accrochez-vous. Il faut rester ultra attentif, faire preuve d’ingéniosité, surtout dans les zones finales où les niveaux deviennent plus étroits et l’IA se montre bien plus agressive.
Ce qui sauve la mise, c’est le level design en mode bac à sable. On n’est presque jamais coincé sur un seul chemin. Il y a souvent plusieurs façons d’avancer sans faire de victimes : passer par des conduits, grimper discrètement ou attendre le moment parfait pour esquiver les patrouilles. Le jeu ne vous prend pas par la main, et c’est justement ce qui le rend aussi prenant. Il vous laisse expérimenter, chercher vos propres solutions — et quand ça marche, c’est hyper satisfaisant, parce que vous avez vraiment bossé pour y arriver.
Koby, votre petit drone-compagnon, c’est clairement pas juste un gadget sympa à sortir de temps en temps. Très vite, j’ai commencé à le voir comme une vraie extension de mon personnage. Il est partout : pour explorer les recoins inaccessibles, déverrouiller des portes, pirater des systèmes ou créer des distractions pile au bon moment. Et le plus beau, c’est quand tout s’enchaîne à la perfection — genre détourner l’attention d’un garde en piratant une machine pendant que je me glisse dans son dos, puis débloquer un raccourci planqué grâce à un passage que seul Koby peut emprunter. Ce genre de moments donne une vraie sensation de maîtrise, et franchement, ça fait plaisir.
Mais Koby, c’est plus qu’un outil de gameplay. Il apporte aussi une vraie personnalité au jeu. Grâce à lui, on n’a pas cette impression classique de jouer un héros muet et solitaire. Il y a des échanges, des réactions, un lien qui se tisse petit à petit. Et mine de rien, ça donne de l’âme à l’ensemble. On s’attache, on s’implique plus, et ça renforce l’immersion d’une façon assez rare dans ce genre de jeu.
Cela dit, on aurait pu aller encore plus loin sur ce lien — parfois, Koby reste un peu trop cantonné à son rôle fonctionnel. Mais dans l’ensemble, sa présence enrichit clairement l’expérience.
Au départ, j’étais pas hyper convaincu par l’idée de passer tout un jeu dans une installation souterraine gérée par des machines. Je craignais que ça devienne vite répétitif ou trop froid. Mais franchement, la direction artistique et le level design m’ont fait mentir. Chaque zone a sa propre identité, tout en gardant une cohérence visuelle solide. On traverse des secteurs envahis par la mousse, des labos cliniques, des couloirs à moitié effondrés… C’est toujours sombre, un peu glauque, mais jamais plat visuellement.
Le décor ne se contente pas d’être joli (ou inquiétant) — il raconte des choses. Pas besoin de longs dialogues ou de cinématiques à rallonge : l’environnement parle de lui-même. On ressent le poids du lieu. C’est vide, mais jamais mort. Il y a cette tension permanente : les tuyaux qui grincent, les bras mécaniques géants qui bougent en arrière-plan, les drones de sécurité qui murmurent à travers l’obscurité… Tout vous rappelle que vous êtes un intrus ici, que ce monde continue sans vous, et qu’il pourrait vous écraser à tout moment.
Cela dit, si vous enchaînez les heures sans pause, il y a un risque que l’atmosphère vous paraisse un peu monotone à la longue. Le jeu fait de son mieux pour varier les ambiances, mais rester enfermé dans ce genre d’environnement pendant plus de 20 heures peut finir par user un peu.
Un autre truc qui m’a agréablement surpris, c’est la verticalité du level design. Je m’attendais à avancer dans des couloirs assez classiques, mais non : on grimpe, on rampe, on escalade des conduits, on longe des corniches étroites et on enchaîne même quelques courses murales pour traverser des zones à la fois confinées et très ouvertes. Le jeu exploite vraiment bien l’espace en hauteur, ce qui casse la monotonie et pousse à réfléchir en trois dimensions.
Côté sensations, le mouvement est franchement réussi. Ce n’est pas Mirror’s Edge ou un simulateur de parkour ultra précis, mais ça reste fluide, réactif, et suffisamment dynamique pour qu’on prenne plaisir à se déplacer. Il y a ce petit feeling grisant quand tout s’enchaîne proprement, quand on arrive à se faufiler à la verticale pour éviter un groupe d’ennemis ou débloquer un raccourci bien planqué.
Cela dit, on aurait pu espérer un tout petit peu plus de finesse ou de variété dans les mouvements à la longue. À force, certaines animations se répètent un peu, et le système reste assez assisté. Mais dans l’ensemble, c’est un vrai plus qui renforce l’immersion et l’impression de liberté.
Sans vouloir spoiler, l’histoire de Steel Seed ne cherche clairement pas à en mettre plein la vue. Pas de grandes scènes hollywoodiennes ni de rebondissements spectaculaires toutes les dix minutes. C’est une narration tout en retenue : minimaliste, introspective, et qui prend son temps pour s’installer. Elle aborde des thèmes assez lourds comme la liberté individuelle, la suppression des émotions, ou encore ce qu’on est prêt à sacrifier pour survivre.
Ce n’est pas un jeu qui vous balance son lore à la figure. Au contraire, plus vous êtes curieux, plus vous en récoltez. Les journaux dispersés, les petits détails visuels, les morceaux d’environnement racontent bien plus que ce que le jeu vous dit frontalement. Et au cœur de tout ça, il y a la relation entre Zoé et Koby. C’est là que les émotions se concentrent vraiment. Leurs dialogues sont sobres, parfois drôles, souvent touchants, et ajoutent une vraie profondeur à l’univers.
Ce qui est agréable, c’est que le jeu ne vous arrête pas toutes les cinq minutes pour vous coller une cinématique explicative. Il vous laisse respirer, observer, assembler les pièces du puzzle à votre rythme. Alors oui, si vous ne faites pas attention, vous risquez de passer à côté de pas mal de choses. Mais si vous prenez le temps, l’histoire devient vraiment prenante — pas parce qu’elle vous crie dessus, mais parce qu’elle sait se faire entendre en douceur.
Après pas mal d’heures passées dessus, Steel Seed s’est clairement hissé parmi mes jeux d’infiltration préférés de ces dernières années. Ce n’est pas un jeu qui cherche à faire le malin ou à révolutionner le genre. Il n’a pas besoin de paillettes ni de coups d’éclat pour exister. À la place, il fait les choses avec sérieux, élégance, et surtout, avec beaucoup de respect pour le joueur.
Ce n’est pas un jeu pour ceux qui veulent de l’action non-stop ou du grand spectacle. Steel Seed, c’est pour les joueurs qui aiment prendre leur temps, qui aiment observer, planifier, se perdre dans un monde cohérent et discret, et surtout, qui apprécient qu’un jeu ne les prenne pas pour des idiots. Il ne vous inonde pas de tutoriels, il ne vous interrompt pas toutes les deux minutes, et il ne vous force pas la main. Il vous fait confiance, et ça, c’est rare.
Alors oui, il a ses limites : il peut devenir un peu répétitif si on le joue en très longues sessions, et certains aspects auraient pu être encore plus poussés. Mais dans l’ensemble, c’est une expérience solide, subtile, bien pensée, et qui a ce petit quelque chose qui reste avec vous une fois la manette reposée.
Si ce genre d’approche vous parle, ne passez pas à côté de Steel Seed. Il mérite vraiment qu’on lui laisse sa chance.
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