Développé par Ubik Studios, Leila se distingue par son approche unique du genre point-and-click, en s’imprégnant profondément d’une dimension narrative et introspective. Ce n’est pas simplement un jeu où l’on résout des énigmes, mais une expérience de tranches de vie, qui invite le joueur à suivre le parcours émotionnel d’une femme, Leila, à travers quatre chapitres clés de son existence. À travers ces chapitres, des énigmes subtiles permettent d’approfondir et de mieux comprendre les souvenirs de Leila, la plongeant dans une rétrospection poignante. Loin d’être un jeu au rythme effréné ou rempli de rebondissements spectaculaires, Leila offre une narration sobre et pleine de sens, qui ne manquera pas de résonner profondément chez les joueurs sensibles.
Leila se retrouve à revisiter des moments intenses de son passé : son ancienne relation amoureuse, son incapacité à accepter son reflet, et la routine douloureuse de la vie adulte. Bien que le jeu aborde des thèmes sombres tels que l’isolement et la dépression, il ne tombe jamais dans le pathos gratuit. Bien au contraire, c’est dans la confrontation à ces réalités difficiles que Leila trouve une forme de rédemption et de lumière. Et, au travers de cette histoire personnelle, le joueur se retrouve face à des émotions universelles, des sentiments qui nous rappellent que nous ne sommes jamais vraiment seuls dans nos luttes internes.
L’un des aspects les plus remarquables de Leila réside dans la manière dont les énigmes sont intégrées à l’histoire. Trop souvent, dans les jeux narratifs, les puzzles semblent ajoutés comme une simple formalité. Ici, ce n’est pas le cas. Chaque énigme est un prolongement de l’expérience vécue par Leila, une extension de ses émotions et de ses réflexions. Par exemple, dans l’un des chapitres, Leila lit une histoire à son enfant : un conte à la Roméo et Juliette, où deux amants sont séparés par un destin cruel. Le joueur n’est pas un simple spectateur de ce récit, mais il doit interagir avec les mots et les images, manipuler le texte pour en révéler de nouveaux aspects et faire avancer l’histoire. Ce n’est pas un simple puzzle ; c’est un miroir émotionnel, une mise en scène poétique de la douleur et de l’espoir de Leila.
Les énigmes du jeu ne se contentent pas de faire avancer l’histoire : elles font vivre le monde intérieur de Leila. L’exemple le plus frappant est celui où le joueur est invité à nettoyer la maison de Leila. Dans un premier temps, les tâches ménagères se déroulent sans heurt, les gestes fluides, et tout semble parfait, presque idyllique. Mais dans la seconde version de cette séquence, un décalage subtil apparaît : le curseur se déplace difficilement, l’aspirateur ne répond pas comme il le devrait, et chaque geste devient une lourdeur. Cela devient une métaphore visuelle de la dépression, de l’épuisement mental qui rend même les tâches quotidiennes insurmontables. Ce simple détail m’a frappé, car il parvient à mettre en perspective la réalité vécue par une personne en souffrance sans un mot. C’est dans ces petits moments que Leila excelle, offrant une expérience poignante et universelle.
Le jeu, bien que court, ne manque pas d’intensité. En trois à quatre heures, Leila parvient à aborder des thématiques délicates telles que l’automutilation, tout en offrant une option pour les joueurs qui ne souhaitent pas aborder ces aspects. Un résumé narratif est proposé, permettant à chacun d’adapter son expérience selon ses préférences, tout en préservant l’intégrité du récit. Ce choix témoigne de la bienveillance des développeurs, qui souhaitent rendre le jeu accessible au plus grand nombre tout en respectant les sensibilités de chacun.
Mais ce qui distingue Leila au-delà de ses choix narratifs et gameplay, c’est sa beauté visuelle. Le jeu présente des graphismes 2D dessinés à la main, dans une esthétique lo-fi qui évoque des moments simples mais réconfortants de la vie quotidienne, comme ceux que l’on peut vivre en écoutant de la musique d’ambiance sur YouTube. C’est une direction artistique soignée, pleine de charme, qui vient renforcer l’aspect émotionnel du jeu. Leila est l’un des jeux les plus beaux auxquels j’ai eu la chance de jouer depuis longtemps, avec des animations pleines de douceur et de sensibilité.
Malgré sa modestie en termes de durée et de structure, Leila reste un jeu incontournable, une perle rare qui offre une réflexion profonde sur l’expérience humaine et féminine. Il aborde des sujets souvent laissés dans l’ombre, des émotions complexes et douloureuses que peu d’œuvres osent explorer. Dans un monde où le jeu vidéo AAA est souvent détaché de toute forme de vérité émotionnelle, Leila brille par sa sincérité et son approche délicate.
Ce jeu est un défi, oui, mais c’est aussi une voie vers la libération. Il permet au joueur de se confronter à des réalités personnelles et universelles, et en cela, il offre une forme de catharsis. À travers la confrontation avec ses souvenirs et ses émotions, Leila finit par trouver la paix, et je crois que c’est ce cheminement, cette ouverture vers la lumière, que chaque joueur pourra découvrir à son tour.
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